La résurrection de François Hollande

Les insolences d’Eric Zemmour

Le Figaro Magazine du 23/01/2015

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La manifestation du 11 janvier ne fut pas seulement un grand moment de communion nationale. Elle fut aussi la préfiguration du second tour de l’élection présidentielle. Sur l’instant, personne ne s’en aperçut, à cause de l’émotion qui embuait et inhibait le cynisme coutumier de nos cerveaux calculateurs ; mais aussi parce que les sondages n’avaient pas encore validé l’extraordinaire remontée de François Hollande, que celui-ci avait escomptée. Avant la tuerie de Charlie, il était le Petit Chose condamné à faire de la figuration entre Sarkozy (ou Juppé) et Le Pen. Mais, le 11 janvier, c’est Sarkozy qui s’est retrouvé dans la position ridicule du garnement jouant des coudes pour ne pas disparaître de l’image.

Ce jour-là, Hollande apparut pour la première fois en maître des cérémonies. En président. En patron. Trônant au milieu de ses pairs étrangers, et en petit père des peuples. La seule absente de ce défilé, la proscrite, la pestiférée, avait pourtant tout fait pour en être. Les plus retors des socialistes ont levé au dernier moment le pont-levis. Les plus farouches adversaires du Front national l’ont sauvé malgré lui ; et préservé son capital inestimable de seul opposant au « système ». Les Dray, Cambadélis et consorts, anciens parrains de SOS Racisme, veillent sur leur « créature » des années 80 !

Le décor est planté pour 2017 : d’un côte Hollande, endossant les habits (trop grands pour lui) de Mitterrand 1988, parrain de l’UMPS qui pourfend les terroristes mais répète en boucle « pas d’amalgame » ; et mène une guerre implacable contre… l’islamophobie. De l’autre, Marine Le Pen, qui rassemble tous ceux qui ont compris que refuser de désigner l’adversaire ne sert à rien quand lui vous a choisi comme son ennemi.

Pourtant, Marine Le Pen fait des efforts désespérés pour brader son héritage au moment où il prend une valeur inestimable. Elle entonne elle aussi la ritournelle du « pas d’amalgame », quand ses aficionados juvéniles préfèrent l’air d’ « on est chez nous ». Elle désavoue son conseiller, Aymeric Chauprade, lorsque celui-ci décrit lucidement l’évolution belliciste d’un islam mondialisé, et la guerre inexpiable que nous mènent « des musulmans » de nationalité française.

Pour l’instant, ce qu’elle est parle davantage que ce qu’elle dit. Mais jusqu’à quand ? Hollande, lui, compte sur les nouvelles conditions économiques favorables (euro faible, pétrole bon marché, création monétaire massive de la BCE) pour affermir son autorité recouvrée sur la gauche et enfermer Sarkozy dans ses contradictions ; rien n’est encore joué, mais s’il était réélu sur le fil, François Hollande pourrait célébrer un ultime « Je suis Charlie » de gratitude. Et de triomphe.