MOUVEMENT INITIATIVE ET LIBERTE

www.lemil.org


Transférer ce texte à une personne

Imprimer cette page

*****


VI­GILANCE & AC­TION - N° 336  AVRIL 2016


La messe anniversaire de la mort de

Jacques FOCCART (31 août 1913 – 19 mars 1997)

sera célébrée prochainement en l’Église Saint-Rémy

place de la République à Vanves (92170)

Vous trouverez la date sur le site internet du MIL

Association « Les Amis de Jacques Foccart – A.J.F »

34 rue Emile Landrin 92100 Boulogne-Billancourt - a.j.f@foccart.fr


JACQUES FOCCART A L’ORIGINE DE LA CREATION DU MIL

Suite à notre annonce de lorganisation dune messe commémorative du décès de Jacques Foccart, certaines personnes dont certains jeunes adhérents nous ont demandé de leur parler de son passé. Comment mieux parler de Jacques Foccart qu’en reprenant les différentes interventions de ses proches. Vous trouverez dans ce journal une petite sélection de celles-ci, datant de 1995 et 1997 et publiées dans la lettre des «Amis de Jacques Foccart». Jacques Foccart est à l’origine de la création du MIL avec le général Alain de Boissieu, Pierre Debizet et André Decocq. Il est membre de notre comité d’Honneur.


JACQUES FOCCART, GRAND OFFICIER DE LA LéGION D'HONNEUR

Allocution de Jacques Chirac, Président de la République

Palais de l'Elysée - 20 novembre 1995


Mon Cher Jacques, Mesdames,

Messieurs, Mes Chers Amis,

Je crois connaître à peu près tout le monde, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'il s'agit des personnalités proches de Jacques FOCCART.

Je suis très heureux de vous accueillir dans ce Palais de l'Elysée à l'occasion d'une cérémonie à laquelle je tenais tout particuliè­rement, puisqu'il s'agit d'un hommage rendu à Jacques FOCCART, l'élévation à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur, une dis­tinction qu'il aurait du, franchement, avoir de­puis longtemps ; mais je suis heureux d'être celui qui la lui confère et pour tout dire, j'ai le sentiment qu'il y attache aussi du prix. Alors je remercie toutes celles et tous ceux qui sont ve­nus témoigner de leur estime et de leur affec­tion pour Jacques FOCCART. Notamment, je suis particulièrement heureux de la présence et je sais à quel point Jacques FOCCART y est sensible, de Jacques Chaban-Delmas et Mi­cheline, c'est une joie pour Jacques FOCCART et une joie pour moi, Cher Jacques, que vous soyez également ici.

«Tout ce que j'ai fait», dites-vous, mon cher Jacques, je vous cite «je l'ai fait au ser­vice de la France. Et de ses amis africains.(...) J'ai exécuté fidèlement la politique du Général, puis celle, dans la continuité, de Georges Pompidou.(...) J'ai été auprès d'eux l'avocat de l'Afrique sans jamais encourir le reproche d'ou­blier les intérêts de la France».

Rares sont, en effet, ceux qui peuvent se prévaloir d'avoir aussi bien compris les liens historiques, les liens uniques et complexes que l'Histoire a tissés entre la France et les pays de son ancien Empire. Pas un autre que vous n'a travaillé avec autant de passion au développement ces liens.

Tout commence en 1940 lorsque, démo­bilisé, vous rentrez chez vous, en Mayenne : la reddition, la soumission, l'humiliation, tout cela, pour vous, est «inacceptable» et l'oc­cupation est intolérable. Sans avoir entendu l'Appel du 18 juin, vous êtes déjà gaulliste. Vous serez donc parmi les premiers à rallier la France Libre et Isa, votre jeune épouse s'engage totalement à vos côtés, dans des activités qui lui vaudront, tout comme à vous, la Croix de guerre et la médaille de la Résistance.

Vous commencez par constituer des dé­pôts d'armes, vous cachez des aviateurs al­liés, organisez un réseau d'évasion. Puis vous dirigerez en liaison avec le Colonel Passy, le chef du BCRA, l'un des réseaux de résistance les plus importants de l'Ouest.

On sait le rôle primordial qu'ils ont joué, ces réseaux, lors du débarquement. Vous participez alors activement au plan «Tor­tue» pour retarder, voire paralyser les ren­forts allemands qui se précipitent vers les plages  normandes. Vous serez d'ailleurs, en 1944, nommé Lieutenant-colonel des Forces Françaises Libres, vous, un jeune «civil» de l'intérieur, et serez incorporé à la 1ère Di­vision – «la Division glorieuse».

C'est en tant que membre de l'Etat-major de la 4è région militaire que vous accueillez le Général de Gaulle dans Laval libéré : ce sera votre première rencontre avec lui.

Vous êtes alors chargé d'une des mis­sions les plus difficiles de toutes celles confiées pendant la guerre aux services spéciaux : parachuter des petits groupes d'hommes sur les camps de déportés, avec des risques immenses et ceci afin d'inciter les responsables de ces camps à épargner les  survivants. C'est l'opération «Vicarage» qui sera arrêtée : les pertes sont extrême­ment importantes et l'avance des Alliés, plus rapide que prévue, le justifie moins.

Vous êtes à peine réinstallé dans la vie civile que Jacques Chaban-Delmas et Gas­ton Palewski, à la fin de l'été 1945, vous demandent de vous présenter aux élections à l'Assemblée constituante. Vous ne tenez pas particulièrement, à vous lancer dans l'action politique, mais c'est un ordre du Gé­néral, donc vous ne sauriez vous dérober. Vous constituez donc une liste dans la Mayenne où votre grand-père a été Maire d'Ambrières et d'ailleurs Conseiller Général, avant de céder, je parle de vous, très volon­tiers la tête de liste à Jacques Soustelle qui sera élu. Vous, vous retournez à vos activi­tés commerciales et vous lancez votre so­ciété d'import-export, la SAFIEX. Mais cette expérience, si elle ne vous a pas donné d'ambition parlementaire, vous a laissé, comme vous le dites vous-même, «le goût de la chose publique».

Le 16 juin 1946, vous êtes à Bayeux, prêt à reprendre le combat pour sortir le pays de la crise où il s'enfonce. Vous ferez partie de ceux qui, hommes de droite ou de gauche, mais tous résistants et profondé­ment attachés au Général de Gaulle, fonde­ront ensemble le Rassemblement du Peuple Français.

L'objectif qui vous est dévolu est de re­mobiliser les «anciens» de toute la région Ouest. A Strasbourg aux côtés du Général lorsqu'il annonce la création du RPF, et offi­ciellement «chargé de mission» auprès du mouvement, vous faites campagne pendant l'été 47. Mais après les succès, c'est l'échec aux législatives de 1951 et le Général de Gaulle, qui se retire de la vie publique et rend leur liberté à ses compagnons, vous demande en 1954 de succéder à Louis Ter­renoire comme Secrétaire Général du RPF. Vous acceptez et vous partagez avec lui sa traversée du désert.

Vous ne le quitterez plus. Lorsque les Républicains sociaux vous sollicitent pour devenir leur Secrétaire Général, vous choi­sissez de rester auprès de lui. Avec les «barons» du gaullisme, vous prendrez une part active au retour du Général en 1958. Vous l'accompagnerez à Matignon avant de devenir l'année suivante, Conseiller techni­que à la Présidence de la République. Vous serez désormais associé à toutes les déci­sions, qu'il s'agisse des référendums, des élections, ou de la Communauté. Vous en êtes depuis 1960 le Secrétaire Général, une fonction que vous occuperez sans disconti­nuer jusqu'en 1974. A ce titre, puis comme Secrétaire Général à la Présidence de la République pour la Communauté et les Affai­res africaines et malgaches, vous serez l'ar­tisan de la politique que le Général de Gaulle va conduire à l'égard de l'Outre-mer. Vous consacrerez dès lors l'essentiel de vos activités aux relations franco-africaines.

C'est le Général de Gaulle lui-même qui est à l'origine de cette vocation.

C'est lui qui vous a demandé dès 1947 de vous occuper des DOM-TOM au sein du groupe RPF, c'est lui qui a tenu à ce que vous soyez élu en 1950 Conseiller de l'Union française.

Au sein de cette Assemblée où les rela­tions se nouent sans clivage racial ni politi­que, vous construirez des liens durables et vous connaîtrez «l'extraordinaire fraternité» - ce sont vos propres termes - qui unissent encore les anciens parlementaires. C'est là que vous vous ferez des amis pour la vie - je n'en citerai qu'un, qui fût pour vous proba­blement le plus cher, et pour moi aussi : le Président Félix Houphouët-Boigny. Ces amis, pour lesquels vous nourrissez une ré­elle affection, et qui deviendront des Chefs d'Etat ou de Gouvernement, vous les rece­vez régulièrement lors de leurs voyages offi­ciels ou en visite privée avec leur famille, chez vous, à Luzarches, avec votre épouse, qui sera toujours étroitement associée, sur les conseils d'ailleurs du Général de Gaulle, à votre action politique, comme elle l'avait été dans la Résistance.

C'est grâce à ces liens tout à fait privilé­giés, à cette compréhension, à cette qualité d'amitié et de dialogue, que vous accompa­gnerez ces pays dans leur accession à l'in­dépendance et coordonnerez ensuite la poli­tique de coopération de la France. Le Géné­ral de Gaulle y tient tout particulièrement et son intérêt pour l'Afrique est si attentif qu'il vous reçoit tous les jours, pendant toutes ces années, vous, le spécialiste incontesté des affaires africaines.

Vous avez, en effet, de ce continent une perception aiguë et une vision lucide. Vous avez acquis une extraordinaire connaissance de chacun des acteurs politiques, dans cha­que pays, et du rôle qu'il y joue ou cherche à y jouer. Plus encore : vous avez su gagner leur confiance. Votre puissance de travail, votre sens politique et l'influence que vous avez auprès d'eux vous permettront de vous acquitter des responsabilités les plus déli­cates et de réussir dans les missions de médiation les plus difficiles sous la Prési­dence du Général de Gaulle, puis sous celle de Georges Pompidou. En 1986, lorsque je prends mes fonctions à Matignon, c'est tout naturellement que je vous appelle auprès de moi. Tout en continuant à exercer vos pro­pres activités, vous n'avez cessé de diriger la cellule africaine placée à mes côtés.

Aussi je voudrais vous dire aujourd'hui toute ma reconnaissance, à vous qui m'avez fait partager votre connaissance, mais aussi, mais surtout, votre amour de l'Afrique.

Voici évoqués, trop rapidement, Cher Jacques, les services que vous avez rendus à la France. Le résistant, le gaulliste, l'homme qui, par son rayonnement person­nel et aussi par sa ténacité et son courage, a joué un rôle déterminant dans la politique intérieure et africaine de notre pays, est, nous le savons tous, d'une discrétion et d'une modestie légendaires. En témoigne d'ailleurs votre profession de foi, très simple et très claire : «J'ai eu, dites-vous, l'hon­neur, la chance et le bonheur de servir le Général de Gaulle. Je l'ai fait dans une fidé­lité totale à l'homme qui a sauvé deux fois, dans des circonstances différentes, l'hon­neur de la France. Ensuite, j'ai eu pour guide et moteur de mon action la volonté d'aider à poursuivre la ligne politique dans la direction et vers les objectifs que le Général avait fixés».

Vous dont les deux passions, la France et l'Afrique, n'ont jamais été en conflit, puis­que «l'intérêt de notre pays et celui de ses anciennes colonies devenues ses partenai­res se confondaient», vous avez oeuvré de toutes vos forces afin qu'il en soit ainsi dans le coeur de chacun.

Mais je ne voudrais pas, Cher Jacques, terminer sans évoquer d'un mot encore votre épouse, Isa. Elle a su, je le sais, vous ap­porter le bonheur mais aussi le courage quand c'était nécessaire. Aujourd'hui toutes et tous ici, qui l'avons connue nous pensons à elle, avec une respectueuse affection, elle qui, je le sais, vous regarde en cet instant et qui est heureuse. Au moment où ces insi­gnes de Grand Officier de la Légion d'Hon­neur récompensent vos services éminents, je suis très heureux et très fier, Mon Cher Jacques, de vous exprimer mon estime, mon respect et ma gratitude. Mais je veux aussi vous dire, aussi, tout simplement ma pro­fonde amitié et toute mon affection.


Jacques FOCCART (31 août 1913 – 19 mars 1997)

"Aujourd'hui, la France a perdu l'un de ses plus grand serviteurs. Jacques Foccart était d'abord un homme de fidélité.

Fidélité à ses convictions trempées dans les épreuves de la Résistance.

Fidélité au général de Gaulle dont il fut, pendant de nombreuses années, l'un des proches.

Fidélité à l'Afrique dont il est resté si proche jusqu'à la fin de sa vie.

Homme de coeur, homme de volonté, homme d'engagement, il laissera une empreinte forte dans l'histoire de ces dernières décennies.

Je perds un  très grand ami, auquel je portais affection, admiration et respect".

Jacques Chirac, président de la République française (19/3/97)


JACQUES, UN GAULLISTE

Par le Général Alain de BOISSIEU, président d'Honneur de l’AJF


Jacques FOCCART a quitté, il y aura bientôt trois ans, ses camarades de combat de la Résistance et ses amis africains et malgaches, qui se souviendront longtemps du rôle éminent qu'il joua aux côtés du Général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Jacques Chirac pour assurer leur avenir.

Sous prétexte qu'il ne faisait de confidences à personne, qu'il ne se précipitait pas devant des photographes, des caméras et des micros, il fut l'objet de tous les commentaires les plus mensongers, les plus méchants et les plus stupides d'une partie de la presse.

Il fut considéré comme le responsable de tous les services secrets, les vrais et les faux, sans aucune vraisemblance.

La littérature anti-Foccart pourrait faire l'objet d'un énorme bêtisier et certains auteurs ou journalistes seraient bien en peine de prouver devant l'Histoire ce qu'ils ont écrit, tandis que Jacques Foccart passera à la postérité, ne serait-ce que par son attitude gaulliste intransigeante et fidèle lors des événements des 29 et 30 mai 1968.

Voici les faits : lorsque Jacques Foccart m'accueillit sur les marches de l'Élysée le 28 mai à mon retour de Mulhouse, c'était pour me dire qu'il organisait, avec d'autres gaullistes, une énorme manifestation en faveur du Général de Gaulle sur les Champs-Elysées. Il faudrait donc que le Président de la République soit de retour le 30 mai pour entendre la foule des Parisiens qui n'admettaient plus «la chienlit» et les basses manoeuvres des «politiciens».

Après l'entretien que m'accorda le Général de Gaulle dans son bureau, je lui dis que Jacques Foccart m'attendait dans le bureau des aides-de-camp, afin de connaître les projets de la journée et du lendemain.

Le Général de Gaulle réagit vivement en me disant : «Même à Foccart, vous ne devez rien dire de mes projets, je veux plonger l'opinion, y compris le gouvernement, dans le doute et l'inquiétude, je veux attirer le projecteur sur moi !... Ah ! Ils font semblant que je n'existe plus, eh bien ils vont voir !»

N'ayant pu rencontrer Foccart avant de prendre mon hélicoptère pour Colombey, je lui téléphonai depuis la Boisserie pour le rassurer; je lui dis : «Le Général de Gaulle rentrera à Colombey ce soir ou demain matin, car il se peut qu'il couche chez nous à Mulhouse, au cas où l'hélicoptère ne pourrait pas voler de nuit». Ce sont aussi les consignes que je venais de donner au personnel et aux gendarmes chargés d'assurer la sécurité, comme j'en avais reçu l'ordre.

Jacques Foccart était à Matignon; il me demanda s'il pouvait annoncer cette nouvelle à M. Pompidou. Je répondis par l'affirmative pour le retour le soir du 29 ou avant le déjeuner du 30, mais que je ne pouvais lui en dire plus, étant donné les instructions que j'avais reçues le matin. Foccart ne fit aucune protestation : pour lui un secret était un secret. Il se contenta de me dire par téléphone un «merci» très ému, je le sentais dans sa voix.

Il était rassuré. La manifestation du 30 mai pouvait avoir lieu sur les Champs-Elysées. Elle fut son oeuvre. Qu'il en soit remercié devant l'Histoire.

La révolution des soixante-huitards sombrait dans le ridicule et les «politiciens» avec !

Jacques Foccart avait gagné.


JACQUES FOCCART, UN VRAI PATRON

Par Pierre Angeli, conseiller d’Etat


Sans tomber dans l’hagiographie, dont il aurait d’ailleurs été le premier à rire, il est sans nul doute du devoir de tous ceux qui l’ont approché de témoigner sur Jacques Foccart.

Je ne connais pas d’exemple aussi frappant d’opposition fondamentale entre une certaine réputation et la pure vérité.

Jacques Foccart était simple, abordable, compréhensif, tout en étant efficace, précis, volontaire. D’autres que moi le dépeindront. Je me bornerai à essayer de dire les sentiments que lui portent pour toujours ses collaborateurs, proches ou lointains, dans la période où il fut le secrétaire général de la Communauté, cette Communauté dont il fut l’artisan aux côtés du Général, et qui, si elle a juridiquement disparu, demeure vivace dans les liens, qui doivent rester exceptionnels, qui unissent notre République à nos anciens territoires d’Afrique.

C’est en grande partie à la personnalité de Jacques Foccart, à sa sensibilité, à sa connaissance des hommes, notamment africains, qu’est dû le maintien envers et contre tout, de ces liens. Nous sommes unanimes à le constater.

Mais mon propos se bornera à rappeler la façon dont Jacques Foccart travaillait avec ses proches au secrétariat général.

Il avait certes un défaut, que dis-je, un vice fondamental : il n’était pas passé par l’E.N.A, il n’était même pas fonctionnaire ! On me croira ou on ne me croira pas, mais cette hérésie n’a en aucune façon empêché des énarques et d’autres fonctionnaires de travailler avec lui et de constater qu’on pouvait diriger, et avec quelle efficacité, une administration nouvelle-née, en provenant de l’«extérieur» !

Je ne veux pas dire par là qu’il aurait moins bien dirigé s’il était passé par l’E.N.A. . .

Après avoir modestement administré une subdivision au Sénégal, et avoir subi la béatification de l’E.N.A, j’étais sous-préfet à Cosne-sur-Loire lorsque, heureusement inspiré, Alain Plantey, alors président de l’Association des anciens élèves de l’E.N.A., excellent chasseur de têtes, me proposa une affectation au secrétariat général qui venait de naître fin 1958. J’acceptai avec enthousiasme, et me retrouvai sous la direction de Raymond Janot, premier secrétaire général de la Communauté.

Quelques mois après, cette Communauté allait se réunir en Conseil exécutif, sous la présidence du Général, à St-Louis au Sénégal. Raymond Janot, au courant de mon héroïque séjour au Sénégal (dix mois) me dit : «Je vous envoie à St-Louis. Vous irez avec Foccart. ça ne pourra que vous être utile».

Que n’avait-il pas dit ? En quelques heures, je fais la connaissance non seulement théorique mais pratique, d’un homme dont je n’avais presque pas entendu parler.

Et c’est ainsi que je demeurai à ses côtés lorsqu’il remplaça Janot, d’abord à la Communauté, puis au secrétariat général de la présidence pour les affaires africaines et malgaches ; d’abord à l’Hôtel de Noirmoutiers, rue de Grenelle, puis à l’Elysée.

Je n’ai aucune difficulté à affirmer que pas un de ses collaborateurs, grands ou petits, n’a eu la moindre difficulté avec lui. Soit qu’ils aient été bien choisis, soit qu’ils aient rapidement compris à qui ils avaient affaire.

Accessible, humain, ferme, Jacques Foccart a su former, naturellement, une équipe soudée et dévouée. Bien avant sa mort, ses principaux collaborateurs avaient, hors loi de 1901, formé un groupe dénommé «Cercle Noirmoutiers-Elysée» qui se tenait proche de lui, avec quelques déjeuners dans l’année. De son côté, il réunissait chaque année à Luzarches l’ensemble de ses collaborateurs. Il m’avait chargé de dresser une liste, avec l’aide inappréciable de l’éternelle Jacqueline Heurtebise. Je lui présentai cette liste. Il la lut avec une telle attention qu’après coup il me dit : «Vous n’avez retenu que deux standardistes, mais il y en avait trois». Il avait raison. . . et circonstance aggravante, celle que j’avais omise était Corse !

Nous nous réunîmes donc chaque année, une bonne centaine, sans compter les conjoints. Nous finîmes par penser qu’il fallait que nous lui rendîons la politesse. Il commença par refuser, et, sur notre insistance, il accepta.

Mais le sort, heureux pour tous, fit que Jacques Chirac ayant été entre temps élu à l’Elysée, et ayant eu vent du projet, décida de recevoir à l’Elysée les anciens du secrétariat général, sans oublier une seule standardiste. Ce fut pour nous tous une consécration émouvante.

Puissent les polémiques s’apaiser, et la vérité s’imposer. A la suite d’une intempestive publication dans la revue de l’Institut Charles de Gaulle d’une lettre hostile d’un ancien ambassadeur en Afrique, je me suis permis de répondre, parce que, comme tous ceux qui ont approché Foccart, je me sentais personnellement blessé : si Jacques Foccart était si mauvais conseiller, comment expliquez-vous qu’il ait pu être impunément conseiller de de Gaulle de 1958 à 1969, de Pompidou de 1969 à 1974, de Giscard d’Estaing, par Journiac et Kirsch interposés, de 1974 à 1981, puis de Chirac jusqu’à février 1997 ?

Qui est responsable d’une politique, celui qui la conseille, ou celui qui agit en vertu de ces conseils ?


JACQUES FOCCART, UNE VIE AU SERVICE DE LA FRANCE

Par Jacques GODFRAIN, ancien ministre, président de la Fondation Charles de Gaulle


Je voudrais revenir sur ce que fut Jacques Foccart pour son pays et pour l'Afrique. Patriote avant tout, il savait ce que servir son pays veut dire. Sa vie, il l'avait  vouée tout entière au service de la France et rien ne pouvait le détourner de cette tache. Cela suffirait déjà à méditer son exemple.

Une indéfectible amitié le liait au général de Gaulle avec qui il avait eu le privilège d'avoir de longs entretiens presque quotidiens. Disciple de la première heure, il fut fidèle à l'homme et à sa pensée, par-delà la mort.

A l'instar de Voltaire qui conseillait à chacun de « cultiver son jardin », Jacques Foccart avait méthodiquement et heureusement travaillé le sien : la politique africaine de la France. Nul ne peut nier qu'il le fit avec succès, d'abord auprès du général de Gaulle, puis de Georges Pompidou et enfin de Jacques Chirac.

On trouva le moyen de lui faire grief de cette exceptionnelle longévité politique. Il sembla à certains que si l'on ne pouvait faire sans Foccart, c'est que Foccart devait détenir des secrets, c'est qu'il devait avoir de mystérieux contacts... La naturelle discrétion de l'homme et l'imagerie commune d'une Afrique de marabouts et de chefs de clans contribuèrent à consolider cette image «d'homme des réseaux de l'ombre».

Comme souvent, la réalité est bien plus simple. Jacques Foccart connaissait les Africains, il connaissait la valeur de la parole donnée et l'inutilité de bien des effusions médiatiques. S'il restait à l'écart, c'était pour mieux servir la France et cette Afrique qu'il a tant aimée.

C'était l'homme au contact duquel je suis fier d'avoir beaucoup appris. Acteur essentiel des indépendances, il avait de l'Afrique et du développement un conception juste et généreuse. il connaissait toute l'importance et l'originalité de la coopération française, qu'il avait contribué largement à forger. Je souhaite garder bien vivant son souvenir. Il nous importe aujourd'hui de garder le cap, de préserver cet héritage et de poursuivre son oeuvre, pour le meilleur des relations franco-africaines.