VIGILANCE & ACTION - N° 369 MARS 2018
JACQUES FOCCART A L’ORIGINE DE LA CRÉATION DU MIL
Jacques Foccart est décédé il y a vingt et un ans le 19 mars 1997.
Le Mouvement Initiative et Liberté souhaite rappeler aux nouvelles générations son action au service de la France. Pour cela, nous republions des articles qui retracent bien le parcours d’un gaulliste historique qui fut un des plus proches du général de Gaulle.
Jacques Foccart est à l’origine de la création du MIL avec le général Alain de Boissieu, Pierre Debizet et André Decocq. Il était membre de notre comité d’honneur.
JACQUES FOCCART, GRAND OFFICIER DE LA LéGION D'HONNEUR
Allocution de Jacques Chirac, Président de la République
Palais de l'Elysée - 20 novembre 1995
Mon Cher Jacques, Mesdames, Messieurs, Mes Chers Amis,
Je crois connaître à peu près tout le monde, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'il s'agit des personnalités proches de Jacques Foccart.
Je suis très heureux de vous accueillir dans ce Palais de l'Elysée à l'occasion d'une cérémonie à laquelle je tenais tout particulièrement, puisqu'il s'agit d'un hommage rendu à Jacques Foccart, l'élévation à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur, une distinction qu'il aurait du, franchement, avoir depuis longtemps ; mais je suis heureux d'être celui qui la lui confère et pour tout dire, j'ai le sentiment qu'il y attache aussi du prix. Alors je remercie toutes celles et tous ceux qui sont venus témoigner de leur estime et de leur affection pour Jacques Foccart. Notamment, je suis particulièrement heureux de la présence et je sais à quel point Jacques Foccart y est sensible, de Jacques Chaban-Delmas et Micheline, c'est une joie pour Jacques Foccart et une joie pour moi, Cher Jacques, que vous soyez également ici.
«Tout ce que j'ai fait», dites-vous, mon cher Jacques, je vous cite « je l'ai fait au service de la France. Et de ses amis africains. (...) J'ai exécuté fidèlement la politique du Général, puis celle, dans la continuité, de Georges Pompidou. (...) J'ai été auprès d'eux l'avocat de l'Afrique sans jamais encourir le reproche d'oublier les intérêts de la France».
Rares sont, en effet, ceux qui peuvent se prévaloir d'avoir aussi bien compris les liens historiques, les liens uniques et complexes que l'Histoire a tissés entre la France et les pays de son ancien Empire. Pas un autre que vous n'a travaillé avec autant de passion au développement ces liens.
Tout commence en 1940 lorsque, démobilisé, vous rentrez chez vous, en Mayenne : la reddition, la soumission, l'humiliation, tout cela, pour vous, est «inacceptable» et l'occupation est intolérable. Sans avoir entendu l'Appel du 18 juin, vous êtes déjà gaulliste. Vous serez donc parmi les premiers à rallier la France Libre et Isa, votre jeune épouse s'engage totalement à vos côtés, dans des activités qui lui vaudront, tout comme à vous, la Croix de guerre et la médaille de la Résistance.
Vous commencez par constituer des dépôts d'armes, vous cachez des aviateurs alliés, organisez un réseau d'évasion. Puis vous dirigerez en liaison avec le Colonel Passy, le chef du BCRA, l'un des réseaux de résistance les plus importants de l'Ouest.
On sait le rôle primordial qu'ils ont joué, ces réseaux, lors du débarquement. Vous participez alors activement au plan « Tortue » pour retarder, voire paralyser les renforts allemands qui se précipitent vers les plages normandes. Vous serez d'ailleurs, en 1944, nommé Lieutenant-colonel des Forces Françaises Libres, vous, un jeune «civil» de l'intérieur, et serez incorporé à la 1ère Division – «la Division glorieuse».
C'est en tant que membre de l'Etat-major de la 4è région militaire que vous accueillez le Général de Gaulle dans Laval libéré : ce sera votre première rencontre avec lui.
Vous êtes alors chargé d'une des missions les plus difficiles de toutes celles confiées pendant la guerre aux services spéciaux : parachuter des petits groupes d'hommes sur les camps de déportés, avec des risques immenses et ceci afin d'inciter les responsables de ces camps à épargner les survivants. C'est l'opération «Vicarage» qui sera arrêtée : les pertes sont extrêmement importantes et l'avance des Alliés, plus rapide que prévue, le justifie moins.
Vous êtes à peine réinstallé dans la vie civile que Jacques Chaban-Delmas et Gaston Palewski, à la fin de l'été 1945, vous demandent de vous présenter aux élections à l'Assemblée constituante. Vous ne tenez pas particulièrement, à vous lancer dans l'action politique, mais c'est un ordre du Général, donc vous ne sauriez-vous dérober. Vous constituez donc une liste dans la Mayenne où votre grand-père a été Maire d'Ambrières et d'ailleurs Conseiller Général, avant de céder, je parle de vous, très volontiers la tête de liste à Jacques Soustelle qui sera élu. Vous, vous retournez à vos activités commerciales et vous lancez votre société d'import-export, la SAFIEX. Mais cette expérience, si elle ne vous a pas donné d'ambition parlementaire, vous a laissé, comme vous le dites vous-même, «le goût de la chose publique».
Le 16 juin 1946, vous êtes à Bayeux, prêt à reprendre le combat pour sortir le pays de la crise où il s'enfonce. Vous ferez partie de ceux qui, hommes de droite ou de gauche, mais tous résistants et profondément attachés au Général de Gaulle, fonderont ensemble le Rassemblement du Peuple Français.
L'objectif qui vous est dévolu est de remobiliser les «anciens» de toute la région Ouest. A Strasbourg aux côtés du Général lorsqu'il annonce la création du RPF, et officiellement «chargé de mission» auprès du mouvement, vous faites campagne pendant l'été 47. Mais après les succès, c'est l'échec aux législatives de 1951 et le Général de Gaulle, qui se retire de la vie publique et rend leur liberté à ses compagnons, vous demande en 1954 de succéder à Louis Terrenoire comme Secrétaire Général du RPF. Vous acceptez et vous partagez avec lui sa traversée du désert.
Vous ne le quitterez plus. Lorsque les Républicains sociaux vous sollicitent pour devenir leur Secrétaire Général, vous choisissez de rester auprès de lui. Avec les « barons » du gaullisme, vous prendrez une part active au retour du Général en 1958. Vous l'accompagnerez à Matignon avant de devenir l'année suivante, Conseiller technique à la Présidence de la République. Vous serez désormais associé à toutes les décisions, qu'il s'agisse des référendums, des élections, ou de la Communauté. Vous en êtes depuis 1960 le Secrétaire Général, une fonction que vous occuperez sans discontinuer jusqu'en 1974. A ce titre, puis comme Secrétaire Général à la Présidence de la République pour la Communauté et les Affaires africaines et malgaches, vous serez l'artisan de la politique que le Général de Gaulle va conduire à l'égard de l'Outre-mer. Vous consacrerez dès lors l'essentiel de vos activités aux relations franco-africaines.
C'est le Général de Gaulle lui-même qui est à l'origine de cette vocation.
C'est lui qui vous a demandé dès 1947 de vous occuper des DOM-TOM au sein du groupe RPF, c'est lui qui a tenu à ce que vous soyez élu en 1950 Conseiller de l'Union française.
Au sein de cette Assemblée où les relations se nouent sans clivage racial ni politique, vous construirez des liens durables et vous connaîtrez «l'extraordinaire fraternité» - ce sont vos propres termes - qui unissent encore les anciens parlementaires. C'est là que vous vous ferez des amis pour la vie - je n'en citerai qu'un, qui fût pour vous probablement le plus cher, et pour moi aussi: le Président Félix Houphouët-Boigny. Ces amis, pour lesquels vous nourrissez une réelle affection, et qui deviendront des Chefs d'Etat ou de Gouvernement, vous les recevez régulièrement lors de leurs voyages officiels ou en visite privée avec leur famille, chez vous, à Luzarches, avec votre épouse, qui sera toujours étroitement associée, sur les conseils d'ailleurs du Général de Gaulle, à votre action politique, comme elle l'avait été dans la Résistance.
C'est grâce à ces liens tout à fait privilégiés, à cette compréhension, à cette qualité d'amitié et de dialogue, que vous accompagnerez ces pays dans leur accession à l'indépendance et coordonnerez ensuite la politique de coopération de la France. Le Général de Gaulle y tient tout particulièrement et son intérêt pour l'Afrique est si attentif qu'il vous reçoit tous les jours, pendant toutes ces années, vous, le spécialiste incontesté des affaires africaines.
Vous avez, en effet, de ce continent une perception aiguë et une vision lucide. Vous avez acquis une extraordinaire connaissance de chacun des acteurs politiques, dans chaque pays, et du rôle qu'il y joue ou cherche à y jouer. Plus encore : vous avez su gagner leur confiance. Votre puissance de travail, votre sens politique et l'influence que vous avez auprès d'eux vous permettront de vous acquitter des responsabilités les plus délicates et de réussir dans les missions de médiation les plus difficiles sous la Présidence du Général de Gaulle, puis sous celle de Georges Pompidou. En 1986, lorsque je prends mes fonctions à Matignon, c'est tout naturellement que je vous appelle auprès de moi. Tout en continuant à exercer vos propres activités, vous n'avez cessé de diriger la cellule africaine placée à mes côtés.
Aussi je voudrais vous dire aujourd'hui toute ma reconnaissance, à vous qui m'avez fait partager votre connaissance, mais aussi, mais surtout, votre amour de l'Afrique.
Voici évoqués, trop rapidement, Cher Jacques, les services que vous avez rendus à la France. Le résistant, le gaulliste, l'homme qui, par son rayonnement personnel et aussi par sa ténacité et son courage, a joué un rôle déterminant dans la politique intérieure et africaine de notre pays, est, nous le savons tous, d'une discrétion et d'une modestie légendaires. En témoigne d'ailleurs votre profession de foi, très simple et très claire : « J'ai eu, dites-vous, l'honneur, la chance et le bonheur de servir le Général de Gaulle. Je l'ai fait dans une fidélité totale à l'homme qui a sauvé deux fois, dans des circonstances différentes, l'honneur de la France. Ensuite, j'ai eu pour guide et moteur de mon action la volonté d'aider à poursuivre la ligne politique dans la direction et vers les objectifs que le Général avait fixés ».
Vous dont les deux passions, la France et l'Afrique, n'ont jamais été en conflit, puisque « l'intérêt de notre pays et celui de ses anciennes colonies devenues ses partenaires se confondaient », vous avez oeuvré de toutes vos forces afin qu'il en soit ainsi dans le coeur de chacun.
Mais je ne voudrais pas, Cher Jacques, terminer sans évoquer d'un mot encore votre épouse, Isa. Elle a su, je le sais, vous apporter le bonheur mais aussi le courage quand c'était nécessaire. Aujourd'hui toutes et tous ici, qui l'avons connue nous pensons à elle, avec une respectueuse affection, elle qui, je le sais, vous regarde en cet instant et qui est heureuse. Au moment où ces insignes de Grand Officier de la Légion d'Honneur récompensent vos services éminents, je suis très heureux et très fier, Mon Cher Jacques, de vous exprimer mon estime, mon respect et ma gratitude. Mais je veux aussi vous dire, aussi, tout simplement ma profonde amitié et toute mon affection.
Jacques FOCCART (31 août 1913 – 19 mars 1997)
Une très longue expérience à l'Élysée
Né le 31 août 1913 à Ambrières (Mayenne), Jacques Foccart passe sa jeunesse à la Guadeloupe, puis entre en 1935 dans une entreprise familiale d'import-export. Dans la résistance, il appartient au réseau «action». Après la guerre, il devient spécialiste des problèmes d'outre-mer auprès du général de Gaulle. Conseiller de l'Union française (1952-1958) au titre du Rassemblement du Peuple français (RPF), dont il est l'un des fondateurs et le dernier secrétaire général en titre, il prend une part active au retour du général de Gaulle en 1958. Il devient alors conseiller technique pour la Communauté auprès du Général. Il est ensuite nommé secrétaire général de la Communauté en 1960. Devenu en 1961 secrétaire général à la présidence de la République pour la Communauté, les Affaires africaines et malgaches, il exerce ses fonctions auprès du général de Gaulle puis du Président Pompidou. Entre 1986 et 1988, il est conseiller de Jacques Chirac, alors premier ministre. Après avoir été membre du bureau politique, il demeurait membre du Conseil national du RPR.
VOICI CE QU'IL éCRIVAIT SUR LE MIL EN NOVEMBRE 1996
LE MIL AU SERVICE DE LA FRANCE
par Jacques FOCCART,
Ancien chef de réseau de la France Libre, ancien secrétaire général à la présidence de la République (1959/1974), membre du comité d’honneur du MIL
Je tiens, par ces quelques mots, à vous témoigner l'intérêt que je porte au MIL et le prix que j'attache à son action.
Soyez assurés d'abord que je n'oublie pas les combats que nous avons menés ensemble au service de la France. Dans des circonstances difficiles, vous avez prouvé que vous saviez prendre courageusement vos responsabilités. Votre présence sur le terrain a montré que vous étiez un vrai mouvement de militants, réunissant des hommes et des femmes décidés à s'engager sans compter pour les causes auxquelles ils croient. J'ai pu apprécier personnellement leur ardeur, leur dévouement et aussi la qualité de leur activité.
Vous avez choisi de ne pas jouer directement le jeu politique, en particulier sous sa forme électorale. Mais vous accomplissez en profondeur un travail original et nécessaire. Trop longtemps, nos adversaires ont détenu une sorte de monopole de l'action au jour le jour sur les divers terrains de l'activité nationale. Vous vous employez à combler cette lacune qui existe de notre côté. Vous avez déjà atteint un stade de développement remarquable et je souhaite très vivement que vous puissiez poursuivre et amplifier votre tâche. Vous trouverez toujours en moi le soutien que je serai en mesure de vous apporter.
Vos actions montrent que vous êtes vigilants sur les dangers les plus graves qui nous menacent aujourd'hui. Vos principes et votre action sont toujours inspirés par votre amour de la France. À ce titre, vous êtes particulièrement préoccupés par les dangers qui pèsent sur notre identité nationale.
Il faut remettre en vigueur les véritables principes. Il faut, comme le disait le Général de Gaulle dans son discours du 30 mai 1968, faire appel à l’action civique des Français. Il faut restaurer les principes d'initiative et de liberté. Et il faut aussi garder l'espoir, car, selon la formule qui vous sert de devise : Il n’y a de fatalité que celle des peuples qui se couchent pour mourir, et nous ne voulons pas nous coucher !
Vous avez démontré votre fidélité et votre efficacité en vous prononçant parmi les premiers pour la candidature de Jacques Chirac et en consacrant toute votre énergie à la campagne qui a conduit à son élection à la présidence de la République. Vous pouvez être fiers - nous pouvons tous être fiers, car je me considère comme l’un des vôtres - d’avoir contribué à donner à la France le chef qui est en train de la ramener sur les voies de la grandeur.
Pour le service de la France, une grande tâche nous attend.