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Une communication du MIL

FRAUDE SOCIALE ET IMMIGRATION :

UNE PARTIE DE LA FRAUDE SOCIALE TIENT AU NON‑RESPECT DU DROIT EN MATIÈRE D'IMMIGRATION


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Par Charles PRATS. L'ancien magistrat de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude explique pourquoi les abus, dans le domaine de l'immigration, sont une des causes majeures de la fraude sociale. Il est actuellement vice-président de l’UNI, syndicat étudiant.


L’intervention télévisée du président Macaron a relancé le débat sur la lutte contre la fraude sociale qu'il a présentée comme un des marqueurs des futures orientations de la politique gouvernementale.


Dès le lendemain, Bruno Le Maire sonnait la charge politico - médiatique dans les matinales télévisuelles en braquant les projecteurs sur cette fraude sociale, insistant sur l'argent des contribuables français qui s'évaporerait «aux Maghreb ou ailleurs». Procès en sorcellerie et succès polémique garantis pendant plusieurs jours auprès de l'ensemble de la presse et de la classe politique !


Ce lundi, Emmanuel Macaron est revenu à l'assaut, évoquant dans Le Parisien la nécessaire lutte contre la fraude sociale, tout en annonçant qu'il n'avait pas renoncé à faire voter d'ici à juin une grande loi sur l'immigration portée par Gérald Darmanin, avant qu'Élisabeth Borne ne semble battre en retraite sur ce front ce mercredi. Un choix de calendrier qui pourtant aurait été concomitant avec la présentation par le ministre des Comptes publics du «plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière» qu'on nous promet depuis plusieurs mois et dont quelques mesures ont fait l'objet d'annonces ces dernières semaines.


Beaucoup se sont scandalisés des termes employés par Bruno Le Maire qui constitueraient une stigmatisation des étrangers rendus responsables de la fraude sociale. Force est de constater que le ministre, qui maîtrise parfaitement les mots, n'a pu que les choisir volontairement. Était-ce pour autant dans un but de stigmatisation et n'y a- t-il pas effectivement une relation avérée entre fraude sociale et immigration ?


Autant le dire sans circonvolutions hypocrites oui, une part significative de la fraude sociale qui grève lourdement les finances publiques de la France a un lien avec l'immigration tant illégale que légale, des individus pouvant tout à fait avoir un titre de séjour et bénéficier d'allocations sociales tout en résidant effectivement la plupart du temps à l'étranger, ce qui devrait les exclure du bénéfice desdites prestations. Mais les ressortissants étrangers vivant en France n'ont pas à être rendus responsables de l'ensemble de ce grave problème, dont une part non négligeable est la conséquence, par exemple, de comportements délinquants de certains professionnels de santé français.


Bruno Le Maire ne s'est évidemment pas avancé sur un tel terrain à l'aveugle. Si certains journalistes et «Fact-checkers» persistent à nier l'ampleur de la fraude sociale, le ministre de l'Économie a tous les rapports en mains et sait bien où on en est. La Cour des comptes relevait en septembre 2020 un total de 75,3 millions d'assurés sociaux pris en charge pour 67 millions d'habitants. Son dernier rapport de certification des comptes de la Sécurité sociale de mai 2022 précise que, sur le seul périmètre de la protection maladie universelle (ex-CMU), 2,5 millions de personnes sont bénéficiaires à tort car «ne respectant pas les conditions d'activité ou de résidence stable en France».


Une fraude à la résidence massive qui est évidemment en lien avec la question migratoire, avec des conséquences en cascade sur la complémentaire solidaire santé et les mutuelles.


Les deux ministres de Bercy savent que les contrôles de la Cour des comptes avaient permis de constater qu'alors que 16 % des personnes ne consommaient pas de soins chaque année selon les sondages, l'assurance-maladie remboursait 66,8 millions d'individus à l'année soit quasiment le nombre total de résidents sur le territoire : une photographie certes floue de l'ampleur du tourisme médical puisque l'écart peut correspondre aux non-résidents venant se faire soigner en France. Un écart d'environ 15 % des bénéficiaires, pour des dépenses de santé qui se montent à 244 milliards d'euros annuels !


En matière de fraude aux cotisations et de travail illégal, le ministère des Finances sait que les secteurs les plus à risque sont aussi ceux qui emploient le plus d'étrangers sans titre de travail comme le BTP, la restauration, la sécurité privée ou la livraison à domicile : c'est une des principales fraudes sociales en lien direct avec l'immigration, en l'occurrence clandestine. On y retrouve l'ensemble des techniques illicites faux documents français ou européens, activités occultes conduisant à des fraudes sociales et fiscales, détournement d'allocations par des immigrés illégaux sous couvert de faux papiers leur ayant permis de se faire frauduleusement immatriculer à la Sécurité sociale, bandes spécialisées clans la fraude organisée sur le modèle communautaire, principalement dans la construction.


On ne pourra donc lutter efficacement contre ces parties de la fraude sociale qu'en luttant également contre l'immigration illégale. Lier ces deux politiques fait évidemment sens. Reste à voir quelles mesures seront proposées et surtout mises en œuvre. Si on en reste aux «mesurettes» annoncées, la déception sera grande lorsqu'il faudra tirer le bilan. Concepteur du premier plan national de lutte contre la fraude au début des années 2010, j'avoue être dubitatif et curieux de découvrir l'ensemble du nouveau «plan Attal».


Avec Hervé Marseille et Bruno Retailleau, présidents des groupes UDI et LR au Sénat, nous avons d'ores et déjà travaillé aux mesures législatives, réglementaires et opérationnelles à mettre en œuvre, s'appuyant sur mes travaux et ceux de la sénatrice Nathalie Goulet et des députés Patrick Hetzel et Pascal Brindeau qui avaient mené les enquêtes parlementaires sur la fraude sociale.


Le choix du calendrier mêlant lutte contre la fraude sociale et loi immigration aurait été particulièrement opportun d'un point de vue technique, malgré les possibles instrumentalisations et arrière-pensées. Un recul sur ce terrain pourrait bien gâcher une occasion de faire, enfin, progresser la lutte contre la fraude sociale dans notre pays.

Repris du Figaro du 28 avril 2023