MOUVEMENT INITIATIVE ET LIBERTE

www.lemil.org


Transférer ce texte à une personne

Imprimer cette page

*****



VI­GILANCE & AC­TION - N°  463 Mars 2024      


LES COMMUNICATIONS ÉCRITES DU M.I.L



L'AMIRAL PHILIPPE DE GAULLE VIENT DE NOUS QUITTER


Communication du MIL du 13 mars 2024


L'amiral Philippe de Gaulle, fils de Charles et d'Yvonne de Gaulle, est mort à l'âge de 102 ans le mercredi 13 mars 2024 à l'Institution nationale des Invalides dont il était pensionnaire.


Philippe de Gaulle a grandi dans une famille attachée à la France.


Il est né le 28 décembre 1921. A 18 ans, l'éclatement de la guerre le surprend au milieu de la préparation du concours de l'école Navale. Il rejoint son père, Charles de Gaulle, en bateau, à Londres dès le 19 juin 1940.


Philippe de Gaulle rejoint les Forces françaises libres.


Il participe notamment à la Bataille d'Angleterre puis suit les cours de l'École Navale. Il devient cadet en octobre 1941. En 1942, il est promu aspirant de marine et participe à la bataille de l'Atlantique sur la corvette «Roselys». De septembre 1942 à septembre 1943, il intègre la 23e Flottille FNFL et effectue de nombreuses patrouilles dans la Manche qui débouchent sur trois affrontements avec l'ennemi. En février 1943, il est nommé enseigne de vaisseau et participe à bord de la frégate «La Découverte» à des missions d'escorte dans l'Atlantique Nord.


Puis il dirige un peloton de fusiliers-marins au sein de la 2ème Division Blindée du général Leclerc. Il combat durant la campagne d'Alsace de l'hiver 1944-1945 et termine la guerre contre l'Allemagne avec la prise du nid d'Aigle du Führer, à Berchtesgaden.


Malgré ses six blessures et son engagement héroïque, Philippe de Gaulle n'a reçu de son père aucune faveur, aucun avantage. Si son père n'avait pas voulu être accusé de privilégier son fils, il aurait dû être, sans aucun doute, le dernier Compagnon de la Libération.


Après la guerre, Philippe de Gaulle poursuit sa carrière militaire.


Il choisit l'aéronavale. Il est Lieutenant de vaisseau en 1948, capitaine de corvette en 1956, contre-amiral en 1971. Il a commandé l'un des plus prestigieux bâtiments de la marine nationale, la frégate Suffren. Amiral en 1980, il est inspecteur général de la Marine avant d'être admis à la retraite en 1982.


Son engagement militaire a été suivi d'un engagement politique.


Il a été membre du bureau politique du RPR pendant vingt ans. Élu sénateur RPR de Paris le 28 septembre 1986, il a été rapporteur du budget de la Défense en 1989. Il a siégé comme sénateur de Paris, durant deux mandats (1986-2004) ; dans le groupe du Rassemblement pour la République (RPR) de 1986 à 2002 puis de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) de 2002 à 2004). Il a été membre du Comité d'honneur du Mouvement Initiative et Liberté (MIL), avec le Général Alain de Boissieu, dès le début et il a toujours été à jour de ses cotisations comme adhérent bienfaiteur. Il était présent à toutes les conventions nationales organisées par le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) (sauf une à cause d'un problème de dernière minute).


Enfin, Philippe de Gaulle a réalisé un important travail historique.


Il a contribué à l'édition des 13 volumes des «Lettres, notes et carnets» de son père (entre 1980 et 1997). Il a publié deux livres d'entretiens sur de Gaulle et il a rédigé ses «Mémoires accessoires» en 1997 et 2000. Il a publié une nouvelle édition de ses Mémoires, réunis en un seul volume, en 2022. En 2019, il a reçu un hommage particulier au Palais-Bourbon, en souvenir du 25 août 1944, ou âgé de 22 ans, il commande alors un peloton d'un régiment blindé de fusiliers-marins de la 2ème DB, il est allé seul, à la demande de son père, négocier la reddition des Allemands retranchés dans l'Assemblée nationale.



PHILIPPE DE GAULLE ÉTAIT UN VALEUREUX


Communication du MIL du 14 mars 2024


Hervé Gaymard, Président de la Fondation Charles de Gaulle


Philippe de Gaulle fut d'abord un soldat engagé dès son plus jeune âge dans le service de la France, sans jamais évoquer ses faits d'armes, comme la reddition de la garnison allemande du Palais Bourbon le 25 août 1944, que nous découvrîmes en 2019. Après un parcours exemplaire, il accéda, malgré le poids de son nom, aux plus belles responsabilités dans la Marine. La retraite venue, parlementaire, il devint un historien et un défenseur respecté de la mémoire du général de Gaulle. Son édition rigoureuse des Lettres, Notes et Carnets est une mine pour les historiens, et ses nombreux livres, succès d'édition, firent connaître au grand public les travaux et les jours de son père, avec une grande pudeur, sans céder à l'hagiographie.


C'était un homme soucieux d'autrui, mille témoignages le corroborent. Jeune député, j'avais été très impressionné de siéger à ses côtés par le hasard de l'ordre alphabétique lors d'un Congrès du Parlement à Versailles, et il m'avait immédiatement mis à l'aise. Jusqu'à son dernier souffle, il répondra à ses nombreux correspondants par de longues lettres manuscrites, avec un souci de l'exactitude des faits, des noms et des dates qui impressionnait. Ses liens avec la Fondation Charles de Gaulle étaient étroits et toujours chaleureux.


La France perd un acteur et un témoin de cette rude et magnifique épopée qui l'avait hissée de l'abîme, où l'imprévoyance, la lassitude et la confusion des esprits l'avaient précipitée. Ce que nous devons encore davantage méditer dans les saisons gâtées que nous traversons. Nous pleurons aujourd'hui le Valeureux, autant que l'homme que nous respections et que nous aimions.



Jacques Godfrain, Ancien ministre, Président d'honneur de la Fondation Charles de Gaulle


Nous sommes, l'amiral de Gaulle et moi, au pied de la statue de son père, au rond-point des Champs-Élysées. Nous attendons le président de la République pour le dépôt d'une gerbe. Sachant que l'amiral avait de fortes douleurs dans les jambes et au genou, j'avais fait installer deux fauteuils. Je lui dis : «Amiral, en attendant le Président, allons nous asseoir» et il me répondit : «Écoutez Godfrain, un de Gaulle ne montre jamais ses faiblesses» et nous sommes restés debout.



UNE LEÇON DE GAULLISME EN 1988 PAR L'AMIRAL PHILIPPE DE GAULLE


Communication du MIL du 17 mars 2024


En 1988, l'amiral Philippe de Gaulle, sénateur de Paris, membre du comité d'Honneur du Mouvement Initiative et Liberté (MIL) nous avait demandé de publier le texte qu'il venait d'écrire sur le référendum sur la nouvelle Calédonie. Lorsqu'on relit son texte, on redécouvre la formidable leçon de gaullisme qu'il nous donne. C'est à travers les lignes qu'il faut lire.


LE REFERENDUM SOI-DISANT POUR LA NOUVELLE CALÉDONIE


C'est le piège qu'on nous tend pour le 6 Novembre prochain.


De bons apôtres, ceux qui dernièrement, ont prétendu faussement «qu'on avait manqué à la parole de la France en 1963 (sous le Gouvernement du Général de Gaulle) et en 1986», ceux qui furent et sont toujours contre nous, nous enjoignent aujourd'hui péremptoirement de nous y engager au nom d'une prétendue «tradition gaulliste», sous prétexte que le référendum est une création du Général.

Serions-nous donc, de ce fait, condamnés à acquiescer à toutes les consultations de ce genre qui se présenteraient jusqu'à la fin des siècles ?


Ce serait oublier le «non» des gaullistes aux deux premiers référendums de mai et octobre 1946 sur les institutions de la IVème République, ou leur abstention massive de voter l'entrée prématurée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun en 1972 malgré leur soutien d'alors au Président Pompidou, ou encore plus récemment la manière dont ils ont écarté le projet «de référendum pour un référendum sur l'Enseignement» de Monsieur François Mitterrand.


Pour le referendum du 13 septembre 1987, les néocalédoniens ont  voté  «oui» au maintien de leur pays dans l'ensemble français : toutes ethnies confondues sans incident notable, sous le contrôle de nombreux observateurs étrangers et de nos magistrats délégués à cet effet, leur approbation a été massive dans une très large majorité de votants. Ainsi ont-ils d'ailleurs confirmé les termes mêmes de l'allocution prononcée par le Général de Gaulle le 4 Septembre 1966 à Nouméa.


Il ne s'agit pas de laisser effacer ce référendum, comme voudraient le faire les mauvais joueurs du gouvernement socialiste qui prétendent recommencer autrement la donne qu'ils viennent de perdre.

Ce scrutin a été acquis on ne peut plus régulièrement et le résultat demeure, malgré la tentative des terroristes d'Ouvéa.


Certes la réélection de Monsieur François Mitterrand à la Présidence de la République, qui a été un choc pour nos amis de Nouvelle Calédonie, lesquels espéraient mieux des métropolitains, a-t-elle conduit Jacques Lafleur, Dick Ukeiwe et Maurice Nenou à chercher à établir un autre partage en acceptant de rencontrer les indépendantistes à Matignon.


Nous les comprenons tout à fait et nous souhaitons qu'ils réussissent sur place chez eux ce qu'on ne peut pas faire depuis la métropole.


Est-ce à dire que nous devrions pour autant donner à Monsieur François Mitterrand et aux socialistes - qui ont suscité en 1981 le FLNKS, qui n'existait pas avant eux, ne l'oublions pas - l'approbation politique que voudrait leur gouvernement ?


Répondre «oui» le 6 Novembre prochain, c'est leur donner cet aval, car quelle que soit la question posée, un référendum en France a toujours le caractère d'un soutien plébiscitaire au gouvernement.

Répondre «oui», c'est aussi accepter par avance des mesures laxistes d'amnistie pour des terroristes qui seraient alors remis en circulation. C'est accepter, dix années avant, que des citoyens français installés sur un territoire français n'aient plus le droit de vote, précédent inadmissible pour les droits de l'homme et du citoyen que la subversion ne manquerait certainement pas d'utiliser ensuite en Polynésie, en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique et pourquoi pas, en Corse, au Pays Basque ou en Bretagne.


Répondre «oui», ce serait s'engager dix années à l'avance sans nécessité et sans savoir ce qu'elles seraient à terme ; ce serait donner un chèque en blanc à un gouvernement dont les doctrines aboutissent toujours à la démagogie. Ce serait faire confiance aux indépendantistes dont les buts n'ont pas changé et dont il serait étonnant que les dirigeants, même de bonne volonté relative, ne soient pas excités par des complicités métropolitaines ou étrangères et débordés par leurs extrémistes.


Répondre «oui» au gouvernement socialiste, et aussi aux communistes qui le préconisent clairement «pour une décolonisation immédiate», ce serait dès le départ renoncer au droit de protester et d'agir contre tout incident et laisser nos amis néo-calédoniens sans défense.


Quels que soient nos bons sentiments et notre désir d'arranger les choses, tout à fait compréhensibles et respectables, je crois donc qu'il est impossible de dire «oui» dans la pratique.

Nous faudrait-il alors dire «non» ?


Au fond d'eux-mêmes, c'est ce que les «Gaullistes» ont le regret de ne pas pouvoir choisir en réponse à un régime qui ne leur inspire pas confiance, dont ils n'admettent pas ni les méthodes, ni la discrimination arbitraire du droit de vote et dont ils désapprouvent l'opération de politique intérieure sur le dos de la Nouvelle Calédonie, visant dès maintenant à en régler le sort sans savoir ce qu'elle sera dans dix ans, le tout en tentant d'effacer ce qui a déjà été acquis sur place par une réponse affirmative à la France en 1987 et par la réduction du terrorisme depuis.


Mais nous ne voulons pas risquer que cette réponse «pure et dure» puisse être interprétée comme une sorte de désaveu vis-à-vis de nos amis Jacques Lafleur, Dick Ukeiwe et Maurice Nenou qui ont toute notre estime, tout notre attachement et tout notre soutien.


En conclusion, le 6 novembre prochain, nous qui sommes gaullistes, nous n'apporterons aucun suffrage, même nul, a un referendum aussi inutile que néfaste.


Nous ne donnerons pas à Monsieur François Mitterrand et à son gouvernement socialiste la caution politique supplémentaire qu'ils cherchent en réalité à nous faire voter sous le prétexte de la Nouvelle Calédonie qui ne peut rien y gagner, bien au contraire.


Nous les laisserons dans le vide, avec leur projet politicien qui n'a rien à voir avec les véritables référendums tels que le Général de Gaulle les présentaient aux Français.


Le 6 novembre nous choisirons une non-participation vigilante, engagée et motivée.


Repris de Vigilance & Action, N° 22 de novembre 1988



MESSE EN MÉMOIRE DE L'AMIRAL PHILIPPE DE GAULLE


Communication du MIL du 18 mars 2024


Le gouverneur des Invalides, le directeur, les pensionnaires et les bénévoles de l'Institution nationale des Invalides font part avec tristesse du décès de l'amiral Philippe de GAULLE hébergé au centre des pensionnaires, grand-croix de l'ordre national de la Légion d'honneur, grand-croix de l'ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945.


Ils lui feront leurs adieux le mercredi 20 mars 2024, à 9 h 30, en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, à Paris (7e).


Selon la volonté de l'amiral, ni fleurs ni couronnes, mais des dons à l'Institution nationale des Invalides.



Hervé Gaymard, président, Jacques Godfrain, président d'honneur, les membres du conseil d'administration de la Fondation Charles de Gaulle ont la grande tristesse de vous faire part du décès de l'amiral Philippe de GAULLE, grand-croix de la Légion d'honneur, grand-croix de l'ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945, commandeur de l'ordre du Mérite maritime, survenu le 13 mars 2024.


« Quand je devrai mourir... J'aimerais que ce soit le soir. Le jour mourant. Donne à celui qui part un regret moins pesant. Et lui fait un linceul de voiles. »

Charles de Gaulle, 1908.


Repris du Figaro du 16 et 17 mars 2024



L'ŒUVRE SOCIALE IMPORTANTE DU GÉNÉRAL DE GAULLE


Communication du MIL du 20 mars 2024


En 2001, le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) a organisé une convention sur la participation. L'amiral Philippe de Gaulle, sénateur de Paris, membre du comité d'Honneur du Mouvement Initiative et Liberté (MIL) nous a fait l'honneur d'y participer. Il a souhaité intervenir lors de ce colloque. Voici le texte intégral, sans correction, de son intervention. Il n'a jamais été publié avant ce jour. Lorsqu'on relit son intervention, on découvre une formidable leçon d'histoire du gaullisme.


Monsieur le président je vous suis reconnaissant des paroles très bienveillantes et trop aimables que vous venez de prononcer à mon égard. Je les prends comme un hommage au général de Gaulle dont j'ai l'honneur de porter le nom. Comme vous le savez, je suis attaché au Mouvement Initiative et Liberté (MIL) car j'y ai reconnu l'esprit et l'action du général lui-même, plus que beaucoup d'autres groupes. Je vous suis reconnaissant de me laisser la parole au début de ce colloque. Je n'ai certes pas la prétention de le faire en premier en vertu de quelques privilèges du genre «Primam partem tolo coni am nominor leo» ou vulgairement dit : je prends la première part parce que je m'appelle Léon. Mais parce que le corps du sujet sera beaucoup mieux traité par d'autres que moi. En conséquence mon propos ne sera qu'une espèce de préface à l'ouvrage si je puis dire, un préambule.


La participation comme vous le savez est une idée fondamentale du général de Gaulle. Elle est souvent reprise par les socialistes en ce moment sous le terme d'intéressement parce que le nom qui lui avait donné son inventeur leur brûle la gueule si je puis dire. Il en est d'ailleurs de même pour la régionalisation et d'ailleurs, dans le projet de régionalisation, il y avait aussi un paragraphe sur la participation qui a peut-être été une des causes pour lequel elle a été refoulée. Régionalisation refusée au général de Gaulle par le referendum d'avril 1969 et qu'on retrouve fréquemment avec des imperfections qui en deviennent souvent l'application sous le nom de décentralisation. Quoi qu'il en soit, les socialistes reprennent sans vergogne et en les déformants les idées qu'ils avaient combattues. La participation qui s'applique maintenant d'une manière non négligeable dans les grandes entreprises et dans les moins grandes, s'impose finalement petit à petit, preuve que l'idée finalement n'en était pas si mauvaise.


Je dois vous dire que je suis révolté par l'occultation systématique par les professionnels de la revendication, de l'œuvre sociale du général de Gaulle. Si on veut bien consulter l'officiel et les signatures des décrets et se souvenir de la conjoncture, pour ceux qui ont encore un peu de mémoire, on s'aperçoit que cette œuvre sociale du général est finalement la plus considérable depuis la fin de la guerre. Je dois dire aussi que le général lui-même a trop laissé cette occultation se faire à son détriment. Ce qui a permis à tous les bons apôtres comme il disait de s'approprier allègrement son œuvre. Comme je lui faisais remarquer qu'il ne disait pas assez haut ce qu'il faisait dans le domaine social, il me répondit en substance : «l'Histoire ne pourra pas manquer de mesurer dans ma manière de gouverner, mais en attendant, je me garde bien dans mes discours d'en évoquer trop directement les modalités car alors les Français qui revendiquent tout le temps et se plaignent toujours ne me parleront plus que de leur quotidien et je ne pourrais plus alors leur parler des grandes orientations économiques qui permettent d'atteindre la prospérité seul moyen préalable de tous les progrès sociaux».


Le général se proposait néanmoins de mettre les points sur les i dans ses mémoires d'espoirs mais comme vous le savez, il est décédé bien avant d'avoir pu les terminer. Je ne parlerais donc pas personnellement de la participation elle-même, sujet qui va être évoqué, qui va être développé fort bien et à fond et les autres intervenants éminents que l'on a convié à en traiter aujourd'hui.


Mais je voudrais combler cette lacune flagrante de l'information en rappelant l'œuvre sociale du général de Gaulle dont la participation est l'un des éléments essentiels contre l'archaïque et néfaste lutte des classes qui est encore l'unique raison d'être de certains.


L'œuvre sociale des gouvernements Français a commencé bien avant le général de Gaulle. Même si ce dernier y tient la place la plus importante de son temps. Sous l'autre régime, il avait été décidé les assurances sociales créées en 1928 par le gouvernement modéré d'André Tardieu, les allocations familiales instaurées en 1932 par un gouvernement dit de droite, la quinzaine de jours de congés payés étendue en 1936 par un gouvernement Blum. Depuis, les grandes entreprises où les quinze jours de congés payés existaient déjà, il y a eu extension de ces mesures de quinze jours  de congés payés à tous les salariés. Deux autres semaines seront rajoutées après la guerre, le 20 mai 1965, encore sous un gouvernement du général de Gaulle. La limitation du temps de travail, problème aussi vieux que l'humanité fût une œuvre quasi continue de tous les temps.


Là, je fais une parenthèse puisque nous sommes dans les 35 heures, si je puis dire. Mais mon père s'était gardé de toucher à la quarantaine d'heure instaurée sous le front populaire parce que pour lui 3 X 8 = 24. Cela permettait de faire les 3 X 6 dans la journée et les 5 X 8 = 40 pour travailler 8 heures, un temps normal dans la journée cinq jours par semaine. À partir du moment où vous tombé en dessous, ce qui est la mesure bancale des 35 heures, on ne peut plus rien assumer. On ne peut plus faire la police, on ne peut plus marcher dans les hôpitaux et j'en passe, enfin vous le savez aussi bien que moi.


Dès avant la guerre, Charles de Gaulle avait été en contact avec les populations ouvrières et paysannes du Nord, des régions parisiennes ou de Saint-Étienne. En particulier les mineurs parmi lesquels travaillent ses frères. Il avait deux frères ingénieur des mines et son beau-frère qui était un troisième ingénieur des mines. Il avait côtoyé, il avait retrouvé les mineurs et les cultivateurs au service militaire dans le Nord. Il connaissait la situation catastrophique des familles de journaliers nombreux à l'époque qui étaient privées de ressources en cas de maladie. Visitant ensuite les grandes agglomérations et les régions industrielles libérées, il avait été frappé notamment à Lille, sa ville natale, par l'aspect de pauvreté des populations, ce qui l'avait confirmé dans son propos élaboré dès la France libre à Londres, d'instauré en France aussitôt que possible une organisation mutuelle au bénéfice de ceux que l'accident ou la maladie a frappé.


C'est son discours à Oxford, dès 1942, qui commence à résumer toute cette orientation sociale future. Il avait tiré profit d'une étude très complète de l'économiste Beveridge, ministre du travail de Churchill et qui appartenait au parti libéral britannique. Lord Beveridge s'était inspiré du système de sécurité sociale créé à la fin du 17ème siècle par Bismarck en Allemagne et en Alsace-Lorraine annexée. Système dans lequel les villes et les villages payaient les médecins, les hôpitaux et les pharmacies. Le général  avait chargé l'Assemblée consultative d'Alger de préparer ce dossier en 1943, c'est à dire peu après son installation à Alger. Après le retour de la République à Paris le 25 août 1944, c'est à dire aussi très tôt, le chef du gouvernement provisoire en confie la rédaction en terme de lois et règlements à deux conseillers d'état éminent, Alexandre Parodi, qui était vice-président du Conseil d'État, le président étant le chef de l'état, je le rappelle pour le Conseil d'état, et Pierre Laroque qui était président d'une des chambres du Conseil d'État. Les recommandations à ce sujet prêtaient souvent après coup au Conseil national de résistance qui n'existe plus depuis la restauration de l'état et la libération de Paris, mais qui prétend se proroger par quelques anciens ou nouveaux cooptés qui n'y ont plus aucune espèce de mandat, ni d'autorité, ne sont pas des références valables. Je dis cela parce que chaque fois que l'on parle de lois sociales aux communistes, ils se réfèrent toujours au CNR (au Conseil National de la Résistance) où ils s'étaient, par cooptation, assurés une forte majorité alors que ce CNR n'existait plus.


Les mentalités à la libération ne sont pas tout à fait prêtes à la réalisation d'un système général d'assurance, de solidarité et de soutien mutuel pour chacun. D'autant que des caisses séparées et particulières aux différentes activités existent depuis longtemps. Soit sous des formes patronales paternalistes, soit selon des assurances accident créées en 1898. Les syndicalistes seraient plutôt favorables individuellement au système par le général mais leurs appareils hélas politisés y sont délibérément opposés, ils craignent en effet de perde le monopole et le contrôle qu'ils exercent de fait sur les nombreux régimes spéciaux des grandes entreprises : Gaz, électricité, chemin de fer, mines, marine marchande, pêche, métallurgie, grands magasins etc. Ainsi le communiste Gaston Montmousseau prend-t-il la tête d'une violente campagne contre le général de Gaulle au sujet de la sécurité sociale en titrant ses éditoriaux dans l'humanité : «Tentative d'immatriculation à l'Allemande des travailleurs» ou bien «retour au livret d'ouvrier de Badinguet». C'est essentiellement parce que la mesure vient du général qu'elle doit être combattue d'autant que tout ce qui est acquis par le travailleur doit paraître arraché et en aucun cas octroyé. Toujours la lutte des classes. On en aurait discuté pendant des années dira le chef du gouvernement provisoire à l'époque lorsque de sa propre autorité et presque contre tous, il signe ou signera les ordonnances du 30 septembre 1944 et des 4 et 19 octobre 1945 portant création et organisation de la sécurité sociale. J'ai dit organisation de la sécurité sociale, ce n'était pas des décrets vagues. Elles seront non sans réticences contresignées par application et je dirais même par obligation pour certaines par les ministres de la santé et de la population, du travail et de l'intérieur. Très réticents.


Les mesures sociales prisent par le premier gouvernement du général de Gaulle à la libération ne sont d'ailleurs pas limitées à la seule sécurité sociale. Dès septembre 1945, ont été signées d'autres ordonnances instaurant des allocations familiales de maternité, des primes de naissance et le 31 décembre 1945, l'instauration du quotient familial qu'il ne faut pas confondre avec les allocations familiales, comme vous le savez, qui vise à aider les plus modestes, mais le quotient familial qui est pour aider à la natalité. C'est à dire que les femmes avec des enfants doivent avoir le même niveau de vie qu'auparavant pour inciter à en avoir et non pas ce qui avait été constaté à l'époque et encore maintenant, à partir du 4ème enfant le niveau de vie quel que soit le milieu diminue de moitié. Et le quotient familial diminuait de moitié les impôts sur le revenu à payer à partir de 4 enfants. On en est loin maintenant, je crois que c'est limité ou plafonné à 25000 francs et encore cela diminue tous les ans.


Quelques mois après le départ du général de Gaulle, le 21 janvier 1946, les syndicats s'apercevront qu'ils pourront noyauter à leur aise le nouveau système. Tandis que le gouvernement d'alors tripartite mais à large majorité marxiste (2/3 socialo-communistes) procèdera à un recrutement massif des personnels (le noyautage) dont les tendances politiques compteront plus que les compétences. Ce qui rendra le démarrage de cette nouvelle administration d'autant plus lourd et moins efficace.


Encore une parenthèse, nous avons un peu la même chose à la mairie de Paris en ce moment, vous avez 50.000 fonctionnaires qui tournent en rond. Plus personne ne comprend rien sur 20 statuts pour les 35 heures et tend à remplacer ces fonctionnaires, les camarades venus de province des municipalités qui ont été sorties, toujours le noyautage, vous voyez quelle efficacité cela va donner à l'administration de la ville de Paris.


À partir de janvier 1946, et tandis que les syndicats s'empare de la sécurité sociale, si on peut dire, le général de Gaulle sera systématiquement gommé des références et tout le monde se targuera d'avoir inventé la sécurité sociale. Le parti communiste prétendra même qu'Ambroise Croizat devenu ministre du général après les élections d'octobre 1945 et qui l'est resté après le départ du général, il y aura, je cite l'humanité, attaché son nom à tout jamais. En réalité Ambroise Croizat n'avait accepté de faire voter, après le départ du général en 1946, la généralisation de la loi aux travailleurs indépendants. Et ces derniers par un rare aveuglement obtiendront que le parlement revienne sur cette mesure de sorte que le nom du dit ministre ne sera finalement associé qu'à un texte mort-né.


En 1958, dès le retour au pouvoir du général de Gaulle, son premier gouvernement crée l'UNEDIC, le 30 décembre 1958. Il prolonge de 14 à 15 ans la scolarité primaire ou d'apprentissage. Puis en 1960 de 15 à 16 ans. Malheureusement avec la complicité des enseignants et la lutte permanente des syndicats marxistes contre l'apprentissage déclaré : «discrimination inégalitaire et exploitation des jeunes par les patrons», ce dernier apprentissage sera sournoisement écarté pour ne laissé en pratique que la prolongation de la scolarité, sans discernement des aptitudes. En 1961, sont instauré les régimes des retraites complémentaires de l'ensemble des salariés et de l'assurance chômage. En signant l'accord sur les ASSEDIC avec les syndicats, sauf la CGT qui ne signe jamais rien pour maintenir la lutte des classes qui est sa raison d'être, le général dit ironiquement au secrétaire général de force ouvrière : «Et bien monsieur Bergeron, nous venons de signer l'accord sur l'indemnisation du chômage mais il n'y a pratiquement pas de chômeurs, sauf le minimum technique incompressible soit un peu plus de 60.000». «C'est vrai mon général» répondit monsieur Bergeron, «mais après vous il ne manquera pas d'y en avoir bien plus». On dit que le général de Gaulle n'avait jamais de contact avec les syndicats, il en avait tout le temps, mais comme je l'ai dit, il ne voulait pas en faire état au quotidien car on n'aurait plus parlé que de cela.


En 1962, la sécurité sociale est étendue à l'agriculture, puis au commerce, puis, en 1966, à l'ensemble de l'artisanat et des travailleurs indépendants, 20 ans après Ambroise Croizat. Le 20 mai 1965, généralisation de la 4ème semaine de congés payés. Le 23 février 1968, instauration des allocations de chômage partiel et enfin le 10 février 1969 signature avec les syndicats sauf la CGT, toujours, d'un accord sur la sécurité de l'emploi. Par délégation de pouvoirs spéciaux en matière économique et de gouvernement, le 18 août 1967, paraît l'ordonnance sur la participation des salariés à l'extension et au fruit de l'entreprise. Vieille idée de mon père pour sortir le monde du travail du prolétariat.


Cette idée soutenue par les gaullistes de gauche, les vrais, dit-il, c'est à dire ceux qui ont toujours des socialistes contre eux. Il se heurte naturellement aux patrons qui craignent d'avoir à trop informer les ouvriers dans un contexte de lutte des classes et d'être gênés pour diriger leur entreprise et d'autre part aux syndicats ouvriers qui voient justement un affaiblissement de cette même lutte des classes qui font le moteur de leurs revendications. Mais la ténacité du général de Gaulle fera, petit à petit, passer cette participation d'un taux symbolique à un appoint non négligeable pour les salariés au fur et à mesure des décennies.


Quatre jours plus tard, c'est à dire le 22 août 1967, de nouvelles ordonnances réforment la sécurité sociale. Comme vous le savez, fondée et organisée en 1945 par le général de Gaulle. Ces dernières sont encore en application à l'heure présente, ce qui n'empêche pas les mal intentionnés de prétendre que le général, dont l'œuvre sociale a dépassé de loin celle de tous les autres gouvernements d'après-guerre et même d'avant, ne se souciait pas du bien-être du peuple. C'est ce que m'a dit monsieur Hue, il n'y a pas longtemps. Le plus extraordinaire est que ces bons «apôtres» réussissent encore à le faire croire à beaucoup.


Je vais m'en tenir à ces mesures sociales principales du général de Gaulle que je n'ai pu m'empêcher de rappeler tant m'indigne l'ignorance des Français à ce sujet. Ignorance soigneusement entretenue par les professionnels de la revendication et de la démagogie comme je l'ai dit. Malgré ces nombreuses dispositions adoptées au fur et à mesure des besoins et du temps, le général entretenait toujours une réflexion fondamentale sur l'abolition du capitalisme ancien et du marxisme qui s'y superpose et dont il jugeait les luttes profondément néfastes.


Aussi écrivait-il à Marcel Loichot syndicaliste CFDT je cite : «Peut-être savez-vous que depuis toujours je cherche un peu à tâtons la façon pratique de déterminer le changement non point du niveau de vie, c'est une autre question, mais bien de la condition de l'ouvrier dans notre société industrielle, ce doit être le commencement de tout comme l'accès à la propriété le fût dans notre ancienne société agricole».


Mais la participation, le patronat qui y voyait une difficulté supplémentaire de la lutte des classes et le Premier ministre Georges Pompidou qui résistait. C'était déjà la fêlure, ou le début de fêlure, entre le Premier ministre et le Général qui commençait à poindre. Les élections législatives de mars 1967 qui n'avaient laissé qu'une voix de majorité au gouvernement du Général entravèrent les développements de ce projet. Pas question de changer le second du navire par mauvais temps. Pompidou, bien que manifestant de la lassitude et des résistances, fut reconduit pour la troisième fois, après 10 jours de délais, je le rappelle, car le général a beaucoup hésité, contrairement à ce qui est dit, car Pompidou était très réticent d'encore continuer. Il s'est décidé au dernier moment et au moment où Couve De Murville venait d'être nommé, il s'est ravisé, c'était un peu tard, c'était trop tard.


De nouveau Premier ministre, Pompidou pousse l'envoi à Rome de Burin des Rosiers qui était secrétaire général de l'Élysée et qui s'intéressait beaucoup à la participation. Il est remplacé par Bernard Tricot en juin 1967 qui n'a été en aucun cas déloyal, bien au contraire, mais qui n'était pas parti des mêmes bases. Pompidou et son équipe cherchent à éloigner le général des soucis et des problèmes et laisser dormir des projets de réformes qu'il a préconisés.


Ainsi les instructions datant de 1963 d'ailleurs relative à la réforme universitaire et le plan de réforme de la police préparé par Léon Noël et entériné par le gouvernement furent-ils mis en sommeil ou carrément détournés. À plus forte raison, Pompidou s'efforçait-il de dissuader le général de sa grande idée de la participation à soumettre au referendum. L'Élysée est accusé par Giscard d'Estaing, en juillet 1967, d'exercice solitaire du pouvoir ou insidieusement Pompidou essaye de confiner Charles de Gaulle aux politiques militaires et étrangères dont le Président de la République est naturellement le chef. C'est à la fois par sollicitude pour le général, d'essayer de lui enlever un certain nombre d'ennuis mais aussi par calcul politique que Pompidou faisait cela, il y avait les deux à la fois. Le général en s'entretenant à l'époque avec David Rousset constate l'incapacité où il se trouve de réaliser ses idées de participation. Je le cite : «Il faut condamner le vieux régime capitaliste mais je suis coupé des Français, je suis seul et ne trouve pas d'hommes de bonnes volontés qui comprennent le sens de la bataille».


Au dernier Conseil des ministres d'avril 1968, le général, une fois de plus, remet sur le tapis les problèmes des réformes sociales et les mesures en faveur des familles. C'est avant les événements de 1968, et on vit alors, chose étonnante dans ce décor de l'Élysée dont la pérennité incitait à l'immobilisme, Georges Pompidou n'a pas laissé passer mais a dit carrément son opposition à ces projets, selon lui, irréalistes. Quelques jours plus tard, la tourmente de mai 1968 allait donner raison au Président de la République contre le Premier ministre. Mais c'est le premier Président de la République qui en sera la victime à terme et c'est sur un Charles de Gaulle diminué que s'abattit la tempête qu'il n'avait pas vu venir, ce qui lui a fait dire qu'il avait failli à la prévoir et non pour une autre raison. Comme je n'ai pu m'empêcher de le rappeler car elle est trop ignorée, le général  a bien laissé une œuvre sociale importante dont la participation est l'une des idées majeures pour changer fondamentalement la condition ouvrière et je suis profondément reconnaissant aux autres intervenants de prendre maintenant la parole pour l'exposer.