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VI­GILANCE & AC­TION - N° 469 Juin-Juillet 2024           


LES COMMUNICATIONS ÉCRITES DU M.I.L


«S’IL ARRIVE AU POUVOIR, LE PRINCIPAL DANGER POUR LE RN EST DE DEVENIR UNE NOUVELLE UMP»


Communication du MIL du 20 juin 2024


Grand Entretien d’Henri Guaino*, publié par Le Figaro du 19 juin 2024.


LE FIGARO : Depuis la dissolution surprise d’Emmanuel Macron, votre ancienne famille politique se déchire violemment sur la question des alliances avec le RN. Comment en est-elle arrivée là ?


Henri GUAINO : Au fil des ans, LR avait cessé d’être une famille politique pour n’être plus, dans une société en crise fracturée de toutes parts, qu’un parti tiraillé entre des tendances contraires. L’issue était inéluctable : un jour, les tensions seraient trop fortes et éclateraient au grand jour. Nous y voilà. Mais la disparition des familles politiques est un phénomène général. Toutes les grandes forces politiques, Renaissance, Rassemblement national, LFI, ne sont plus que des partis en forme d’entreprises unipersonnelles dont la logique d’action est devenue purement sociologique, avec une longueur d’avance pour le RN. Les vieux partis de gouvernement, LR et le PS, eux, n’ont plus, eux, de chefs, de Chirac, de Sarkozy, de Mitterrand, pour en maintenir, temporairement au moins, l’unité. Mais faute d’être de véritables familles politiques, les partis, aujourd’hui puissants, n’échapperont pas non plus à ce destin une fois que leurs leaders se seront retirés de la scène.


Est-ce la fin de LR ?


Soit ce qui reste de LR redevient gaulliste soit il disparaîtra totalement. C’est le sort d’un parti qui, ne s’identifiant plus à une famille de pensée n’a plus d’identité, et n’a pas de chef pour masquer ce manque. Ni pour les électeurs qui n’arrivent plus à trouver une réponse à la question «qui sont-ils ?», ni pour les élus et les militants qui n’arrivent plus à répondre à la question «qui sommes-nous ?». «La droite républicaine» tient plus du slogan qui cache mal un manque que de la définition d’une identité. Y a-t-il une droite non républicaine ? Et qu’est-ce que la droite ? Tout ce qui n’est pas la gauche ou le centre ? Mais Les Républicains sont issus de l’UMP, le grand parti de la droite et du centre. Et la droite, quelle droite ? L’orléaniste ou la réactionnaire, la libérale ou l’autoritaire ? Celle de l’argent ou celle de la tradition ? À quelle histoire, à quel héritage se rattache la «droite républicaine» ? Se définit-elle seulement comme un parti de gouvernement ? Par l’appartenance au «cercle de la raison» ? Mais tous les gouvernements depuis le tournant socialiste de la rigueur en 1983 ont revendiqué d’y appartenir.


Existe-t-il deux droites irréconciliables ?


Elles sont toutes difficilement conciliables sur le plan idéologique, quand elles ont encore une idéologie : depuis toujours, sur le fond, la droite libérale et orléaniste est inconciliable avec la droite de tradition, qui sont toutes les deux inconciliables avec la droite gaulliste ou bonapartiste qui, en réalité, n’est pas de droite. Et, dans l’état actuel de la société et du monde, les divergences autour de l’idée que l’on se fait de l’homme, de la société, de l’État, de la nation, de ce que doit être le rôle de la politique et de ce qu’elle peut, rendent les positions encore plus difficilement conciliables.

De plus en plus de gens mettent le nom de De Gaulle sur tout ce qui leur manque en ces temps troublés.


Et la droite RN serait-elle inconciliable avec toutes les autres droites ?


Madame Le Pen récuse cette qualification, et le noyau dur sociologique populaire de son socle électoral ne s’y reconnaît pas. Le RN a siphonné électoralement la base populaire du parti communiste et du RPR. Le principal danger pour lui n’est peut-être pas, comme le redoutent certains, dans un retour, à mes yeux improbable, aux sources idéologiques du Front national mais, à l’approche ou dans l’exercice du pouvoir, de devenir à son tour une sorte d’UMP nouvelle manière, après l’UMP façon Macron, qui finirait par se rallier, comme le parti socialiste à partir de 1983 et le RPR se muant en UMP, à la doctrine de la seule politique possible, se condamnant au même sort que ces derniers en perdant sa base populaire. Mais alors, où irait se réfugier la colère de cette dernière contre des politiques qui l’écrasent ?


De quand date finalement le déclin de votre famille politique : du débat sur le traité de Maastricht, de la création de l’UMP ?


Du moment où est devenue dominante l’influence de ceux qui trouvaient le gaullisme ringard et un parti de notables plus convenable et plus docile qu’un parti de masse avec une large base populaire. Le «oui» à Maastricht qui a fracturé le RPR fut leur première victoire. Avec la création de l’UMP, ils ont gagné la guerre interne contre les gaullistes et ont quasiment fait disparaître de la scène politique non seulement la famille de pensée gaulliste mais aussi les familles libérales, démocrate chrétienne et celle du Parti radical. L’ironie de l’histoire est que cette liquidation de la famille gaulliste a été opérée par des gens soi-disant très intelligents à l’orée d’une époque où au regard de l’état du monde le besoin d’une pensée gaulliste et d’une attitude gaullienne allaient se faire sentir avec de plus en plus d’insistance au point où, comme je l’ai écrit, de plus en plus de gens mettent le nom de De Gaulle sur tout ce qui leur manque en ces temps troublés. Plus une intuition, certes, que des leçons précises tirées d’une histoire que peu de Français connaissent dans ses détails, mais quand même…


La crise politique actuelle n’est-elle pas une conséquence lointaine de la ratification du traité de Lisbonne ?


La ratification du traité de Lisbonne a été vécue par beaucoup de Français comme un déni de démocratie, c’est un fait, bien qu’elle ait été annoncée par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle. Mais il faut en finir avec un double mensonge : le traité de Lisbonne n’est pas la constitution européenne qui serait revenue par la fenêtre après avoir été sortie par la porte et le rejet de la constitution européenne n’effaçait pas l’Acte Unique, ni le traité de Maastricht qui a été le vrai moment de bascule de la construction européenne. L’Europe de l’acte unique et de Maastricht a été le cheval de Troie de ce qu’il y a de plus délétère dans la mondialisation et le carcan qui a conduit toutes les politiques à se ressembler par-delà toutes les alternances démocratiques, carcan qui, s’il n’est pas assoupli, va nous conduire à la pire crise de la démocratie depuis les années trente. La constitution européenne, on va la voir revenir pour de vrai et en pire avec les réformes institutionnelles que préparent le Parlement européen et la Commission.


Au contraire du RPR, le RN cherche à se couper de sa matrice historique originelle : d’un côté le culte du père, de l’autre, le meurtre du père. Cela change beaucoup de choses.


Le Parti d’Éric Zemmour, Reconquête, a également implosé… Comment l’expliquez-vous ?


L’union de tout ce qui n’est pas la gauche ne peut se faire que par les électeurs autour du parti qui atteint une masse critique électorale suffisante pour apparaître à ces électeurs comme le vote utile contre ce dont ils ne veulent absolument pas. Reconquête, pour lequel, comme pour LR, la question sociale était un angle mort, reposait sur un socle sociologique et idéologique trop étroit pour atteindre cette taille critique, il a été vidé par le vote utile. Et, lorsqu’un parti s’affaiblit, sonne l’heure des trahisons.


Il y a des points communs entre le nouveau RN et le RPR : une forme de scepticisme à l’égard de l’Union européenne, une dimension sociale et populaire. En quoi le RN est-il si différent du RPR que vous avez connu ?


Il est certain que le RN occupe aujourd’hui une bonne partie de l’espace politique abandonné par l’UMP. Cela n’en fait pas pour autant un parti gaulliste. Il ne vous a pas échappé que la famille gaulliste, telle que je l’ai connue, était soudée autour d’une histoire commune incarnée par des hommes et des femmes qui avaient fait l’histoire, cette histoire qui allait du 18 juin jusqu’à la lutte contre les tueurs de l’OAS, de la France libre et des maquis de la Résistance à la reconstruction d’un État digne de ce nom, en passant par la Libération et le programme du Conseil national de la Résistance. Les gaullistes avaient fait la sécurité sociale, le plan, l’aménagement du territoire, la Ve République. Une histoire qui n’avait pas accouché d’un catéchisme mais dont chaque gaulliste tirait des leçons pour le présent. Et quand Malraux proclamait «nous ne sommes pas la droite parce que nous avons mis en œuvre le programme social le plus ambitieux depuis le Front populaire», quand Pasqua disait «si être pour l’autorité, c’est être de droite, je suis de droite, si être pour la justice sociale, c’est être de gauche, je suis de gauche», quand Chaban parlait de la «Nouvelle société», quand Séguin parlait de la République, cela entrait en résonance avec une histoire. Le RN, comme LFI, comme Renaissance n’est pas une famille politique profondément ancrée dans une histoire comme le fut le RPR avant qu’il ne soit détruit de l’intérieur, ou jadis le parti communiste ou la SFIO du temps de Léon Blum. Au contraire du RPR, le RN cherche à se couper de sa matrice historique originelle : d’un côté le culte du père, de l’autre, le meurtre du père. Cela change beaucoup de choses. Mais c’est à l’épreuve du pouvoir et non dans les discours de campagne et les programmes que nous verrons à quel point. Nous verrons bien.


La dissolution nous a empêchés d’analyser les résultats des Européennes. Que révèlent-ils ?


Que beaucoup de Français ont trouvé l’instrument de leur colère, que cette colère est profonde, que c’est la colère de ceux qu’une partie de la France d’en haut appelle avec une affreuse condescendance «les petits blancs» qui ne veulent plus être oubliés, méprisés, marginalisés économiquement, socialement, culturellement, qui en ont assez de souffrir, qui ne veulent plus être gouvernés comme ils l’ont été lors de la réforme des retraites. C’est une réplique politique en grand des gilets jaunes : on n’a jamais vu un scrutin où un parti à lui tout seul arrive en tête dans 93% des communes. Ce serait une folie de ne pas la prendre au sérieux. Ce n’est pas propre à la France cette révolte du «petit blanc» qui se sent mal et méprisé par ceux qui décident pour lui. Il y a quelques jours, le très sérieux The Economist s’alarmait qu’il soit occulté dans la campagne législative en cours au Royaume Uni. Et regardez les États-Unis.


Cette dissolution loin d’offrir une issue démocratique à la crise profonde que traverse notre société ouvre un peu plus en grand une porte sur la violence et le chaos que les institutions pourraient avoir bien du mal à maîtriser.


Depuis de long mois, vous mettez en garde contre la montée de la violence. Ce danger est-il plus que jamais présent ?


Encore une fois, toute société trop divisée finit toujours par essayer de se réunifier par la violence. La France ne se droitise pas, elle se radicalise et elle se polarise autour de deux blocs qui ont de plus en plus envie d’en découdre et pas seulement dans les urnes, avec un bloc central qui, au fur et à mesure qu’il s’affaiblit, joue de plus en plus en plus avec la politique du «diviser pour régner» qui est la pire de toutes. Dans les circonstances actuelles, la dissolution loin d’apaiser et de clarifier agit, on le voit, comme un accélérateur de la radicalisation de la société et de la montée vers la violence.


Que vous inspire l’alliance nouée par la gauche ? LFI souffle-t-elle sur les braises ?


Elle ne fait que refléter l’état de notre société rongée par les peurs, les frustrations et les colères où chacun fait de l’autre le bouc émissaire de son malheur, où l’adversaire devient l’ennemi. Elle montre que dans l’engrenage de la violence chacun finit toujours par faire ce qu’il avait toujours exclu de faire et finit toujours par contribuer au pire.


Dès lors, comment éviter la guerre civile ?


Cela dépendra, pour l’essentiel, de la capacité à assouplir le carcan juridique, économique, intellectuel qui amène tous les gouvernants, quelles que soient leurs promesses électorales et même leurs convictions, à faire tous à peu près la même politique, en tout cas, perçue comme telle, qui fait souffrir une partie croissante de la société qui n’en peut plus et qui finira par chercher la solution en dehors des urnes. Il nous faut cesser de croire que ce qui est arrivé aux générations d’avant ne peut plus nous arriver.


La fracture démocratique a été aggravée par l’alignement du centre-gauche et du centre-droit sur les politiques européennes. Faut-il voir l’arrivée probable du RN au pouvoir comme une soupape de décompression ?


Quel que soit le résultat de ces législatives, elles seront dans les circonstances actuelles, le climat de fièvre et quinze jours de campagne, un rendez-vous démocratique manqué comme le fut d’ailleurs celui de la présidentielle de 2022 dont nous payons toujours les conséquences. Dans ce climat, dans le contexte institutionnel, le RN est-il bien placé pour assouplir raisonnablement le carcan ? Le voudra-t-il ? Le pourra-t-il ? L’histoire le dira. Mais cette dissolution loin d’offrir une issue démocratique à la crise profonde que traverse notre société ouvre un peu plus en grand une porte sur la violence et le chaos que les institutions pourraient avoir bien du mal à maîtriser. J’espère que l’histoire me donnera tort.


*Henri Guaino est ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l’Élysée (2007-2012), ancien commissaire au plan (1995-1998), ancien chargé de mission auprès de Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale (1993), ancien conseiller auprès de Charles Pasqua (1994-1995), inspirateur de la campagne présidentielle de Jacques Chirac (1995) autour de la «fracture sociale». Dernier livre paru : «À la septième fois, les murailles tombèrent» (Éditions du Rocher, 2023).



ÊTRE GAULLISTE


Communication du MIL du 22 juin 2024


Pour nous, les gaullistes, il y a la France et les Français.


Quel est le paradoxe du gaul­lisme aujourd’hui ? Plus de Gaulle est loué, en­censé, una­ni­mement reconnu, même par ses adversai­res d’hier - qui n’est pas gaulliste au­jourd’hui ? - plus de Gaulle s’éloigne. Plus de Gaulle est mis en scène, plus il est ou­blié : de­venu une icône vide, transformé en my­the, récu­péré par une intel­li­gentsia, de Gaulle est dépos­sédé de l’essentiel de sa pensée politi­que. Car le gaullisme ne se ré­duit pas à du pragma­tisme.


Si le gaullisme n’a jamais été un dog­matisme doctrinaire, il se ca­ractérise en ré­alité par une pen­sée politique forte, dont le point d’ancrage est ce double lien, d’abord entre la pensée et l’action, en­suite en­tre l’action et les circonstan­ces : agir, en fonc­tion des cir­constances, dans le seul inté­rêt de la France et des Fran­çais, tel est le gaullisme.


Aujourd’hui encore, de Gaulle est mal lu, ou il n’est pas lu, car il en est de de Gaulle comme de Na­poléon : la gloire du militaire fait oublier la fé­condité du pen­seur, son extraor­dinaire lucidité et sa di­mension visionnaire. Le rêve de puis­sance militaire flatte en effet plus ai­sé­ment l’esprit des peu­ples. On se souvient des guerres, on ou­blie, après la si­gnature de la paix, le temps de la reconstruc­tion. Or, de Gaulle est tout aussi im­portant, pour la France, au mo­ment de la re­cons­truction, qu’au moment de «l’appel du 18 Juin». Dans les deux cas, ce qui pré­vaut, c’est une «cer­taine idée de la France».


UNE CERTAINE IDéE DE LA FRANCE


Cette phrase, qui ouvre les Mé­moires de guerre du Général de Gaulle, est d’une importance capitale pour com­prendre le rap­port qui existe entre la France et le gaullisme : «Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire au­tant que la raison.» Ignorer cette phrase, c’est méconnaî­tre, à la fois, la force et la logi­que de la pensée gaullienne, sa cohé­rence absolue.

De Gaulle n’a-t-il pas écrit : «Au fond des victoires d’Alexandre, on trouve tou­jours Aristote» ? La référence à Aris­tote n’est pas un hasard, le gaul­lisme se veut héri­tier d’une pen­sée fondée sur la raison qui naît avec Aristote. Il n’est pas ques­tion de réduire le gaullisme au principe maurras­sien* de l’empirisme organisa­teur, encore moins d’accepter de l’inscrire dans ce que Ber­nard-Henri Lévy nomme «l’idéologie française» et qui fe­rait du gaullisme une sorte de régression nationale et conservatrice d’une essence douteuse, que seule l’entrée en résis­tance au­rait permis de ma­quiller.

Il n’est pas de France sans ouverture sur le monde, comme le symbolise son extra­or­dinaire façade mari­time ; il n’est pas de France sans la prise en compte de ce monde global qui est le nôtre au­jourd’hui. Il n’est pas de France sans l’Europe. D’ailleurs, de Gaulle était-il contre l’Europe ? Sûrement pas, même s’il se faisait une certaine idée de l’Europe, par sentiment et par rai­son, idée qui est celle des États-Nations. Ce que de Gaulle voulait, c’était l’indépendance de la France et non son isolement.


Il existe donc, pour nous, les gaul­listes, d’abord la France et les Français, sans cris­pation ni nos­talgie d’un monde passé, sans démagogie électoraliste. Il existe la France et les Français, l’une n’allant pas sans les au­tres, idée sim­ple qu’il faut pourtant sans cesse rappeler et qui contredit les experts de la mon­diali­sation heu­reuse, qui affir­ment que la France va bien mais que les Français ne le savent pas. Car les Français, nous di­sent ces mêmes experts, sont ignorants de la chose éco­nomique. Fi­na­lement, le libéra­lisme liber­taire n’est rien d’autre qu’un stali­nisme à l’envers, puisqu’il prône le sacri­fice des géné­ra­tions ac­tuelles pour assu­rer le bonheur des gé­nérations futu­res. Encore ce mythe des­truc­teur de l’homme nouveau que tous les totalita­ris­mes ont voulu faire naître : l’homme nou­veau com­muniste, l’homme nouveau des na­zis, l’homme nouveau de l’intégriste musul­man.


Plus sournois, car paré des habits d’une modernité qui en­tretient la confu­sion entre li­berté et libertarisme, voici que surgit, à l’aube du XXI° siècle, l’Homo economicus nouveau, libéré des con­traintes géogra­phi­ques, dé­barrassé de tout repère éthique, l’oeil fixé sur les cours de la Bourse, gérant sa for­tune en di­rect sur Inter­net, trouvant son ac­com­plis­sement dans la disso­lution du lien so­cial. Car il n’est plus question de cet ef­fort na­tio­nal incarné pendant trente ans par le géné­ral de Gaulle, cet ef­fort ac­compli par tous, chacun étant en droit d’attendre, en juste re­tour, le partage des fruits de la crois­sance, la Ré­publique as­su­rant, dans le même temps, le bon fonction­nement de l’ascenseur social. Or, avec cette dissolution du lien social, il est à craindre que l’idéologie du libé­ralisme li­ber­taire ne soit la justi­fication des totalita­rismes de demain. Car ce qui reste, au-delà des idéo­logies du passé, c’est la ques­tion sociale.


LA QUESTION SOCIALE


Toujours la question so­ciale, di­ront certains. Mais pourquoi ne pas relire de Gaulle ?


Les textes clefs, les voici :


«La question sociale, tou­jours posée, jamais résolue, (...) est l’origine des grandes secous­ses que l’univers a su­bies (...). C’est la même ques­tion toujours posée, jamais ré­so­lue, qui, au­jourd’hui, pousse le monde vers un drame nou­veau. (...) Elle do­mine tout et (...) l’épée de Da­moclès restera suspendue tant que, dans la so­ciété, chaque homme ne trou­vera pas sa place, sa part et sa di­gnité.»


Ce premier texte, d’une ac­tualité brû­lante aujourd’hui en­core, date pourtant du 1er mai 1950. Pour de Gaulle, la ques­tion so­ciale, «toujours po­sée, jamais ré­so­lue», entraîne l’affai­blis­se­ment des na­tions, il fallait donc agir.


On constate alors, dans ces tex­tes, que de Gaulle as­socie tou­jours indépen­dance na­tio­nale, dé­veloppement éco­no­mi­que et trans­formation so­ciale. Cette idée apparaît dès 1940-1943, lors du sé­jour à Londres. Les dis­cours et les mes­sages de l’époque, cons­truits sur le thème de la partici­pa­tion, en témoi­gnent.


On relira avec profit la conclusion du fameux discours d’Oxford, qui date du 15 no­vem­bre 1941. De Gaulle, en pleine guerre, se pro­jette déjà dans l’avenir : «Si complète que puisse être, un jour, la vic­toire (...) des nations démo­cratiques, (...) rien n’empêchera la me­nace de re­naître plus redoutable que ja­mais, rien ne sau­vera l’ordre du monde, si le parti de la li­bé­ra­tion, au mi­lieu de l’évolution im­po­sée aux sociétés par le progrès mé­cani­que moderne, ne parvient à construire un or­dre tel que la li­berté, la sécu­rité, la dignité de chacun y soient exaltées et ga­ran­ties... On ne voit pas d’autre moyen d’assurer en définitive le triom­phe de l’esprit sur la ma­tière.»


Assurer le triomphe de l’esprit sur la matière, tel est l’enjeu que de Gaulle as­signe à la politique. Ce message est ce­lui d’Aristote, il est celui du Siè­cle des Lu­mières, il est celui de Tocqueville, il est aussi ce­lui du gaullisme. Rien ne change : le combat pour les idées de pro­grès, de justice sociale et de dé­mocratie se poursuit éter­nelle­ment : l’histoire n’a pas de fin, seules les circonstances chan­gent. Avec de Gaulle, nous avons appris que l’action politique n’est pas vaine. Elle est même devenue encore plus essen­tielle, car, avec l’effondrement des grandes idéologies et la dispari­tion de l’ancienne vision mani­chéenne du monde, le réel appa­raît dans toute sa complexité. En même temps, les lo­giques de dé­velop­pement de l’après-guerre, à l’abri des frontières protectrices et de l’étendue des grands empi­res, ont atteint, de­puis long­temps, leurs limites. De Gaulle le sa­vait, lui qui voyait la France et le monde avec trente ans d’avance. Car le gaullisme est le contraire du pilotage à vue ou du pragma­tisme lié à une forme de renon­cement devant la com­plexité du réel. La vo­lonté doit-elle dis­paraî­tre ? Bien-sûr que non. Pour com­prendre cela, il nous faut re­vi­siter les idées fon­da­men­tales du gaullisme.


LES IDéES FONDAMENTALES DU GAULLISME


Première idée : l’action po­li­tique n’est pas vaine.


Deuxième idée : la politi­que doit con­duire l’économie et non pas l’inverse.


Troisième idée : l’action po­litique ne doit poursuivre qu’un but, consolider la com­munauté nationale.


Quatrième idée : consoli­der la commu­nauté nationale, c’est dé­velopper la société participa­tive dans tous les do­maines.


Cinquième idée : l’indé­pen­dance ne si­gnifie pas l’isolement.


Soyons clairs là encore : la pen­sée du gaullisme ne com­mence ni ne s’arrête à «l’appel du 18 Juin», même si cet ap­pel, contre l’infâme renonce­ment pétainiste, sym­bolise l’essence même de cette pen­sée. Si l’histoire a fait de l’appel du 18 Juin le point d’ancrage du gaul­lisme, de Gaulle a cons­tamment dé­passé la pro­blématique mili­taire. La guerre est certes ce qui permet de faire naî­tre, im­mé­dia­tement, le sentiment na­tional et l’idée de défense de la patrie. En temps de paix, senti­ment na­tional et patrie s’estompent au point de deve­nir désuets pour cer­tains. Au­jourd’hui, la polémi­que sur les coûts de l’État-Na­tion, la dé­cen­tralisation, l’ouver­ture phy­si­que et virtuelle des fron­tières, l’interna­tionali­sation du capital conduisent certains à nier l’idée même de Nation. Le monde est notre village, nous sommes deve­nus citoyens du monde. La vente sur Internet tient lieu de projet so­cial pla­né­taire. Belle utopie qui mas­que la réalité.


L’IDéE DE NATION


L’idée de nation reste d’une évi­dente ac­tualité pour les gaullistes ; elle n’est pas le refuge des nostalgiques de la mi­litari­sation ou des va-t-en guerre. En y re­gardant de près, on s’aperçoit que les convictions natio­nales recou­vrent l’idée même de la devise ré­publicaine : Liberté, Égalité, Fra­ternité.

Jean-Louis Debré écrit, fort jus­tement (Jean-Louis Debré, Le Gaullisme n’est pas une nos­talgie, Robert Laffont, 1999.) : «La nation seule permet à la de­vise républicaine Liberté, Égalité, Frater­nité, d’être cohérente. La Liberté seule détruirait l’Égalité et ferait des maîtres et des esclaves de ceux qui ont de la chance et de ceux qui n’en ont pas. Mais s’il n’y avait que l’Égalité, elle dégé­nére­rait en égalitarisme, étouffe­rait la Li­berté, la créa­tivité, et ap­pauvri­rait chacun. Seule la Fra­ternité impose la ré­union de ces deux va­leurs qui, livrées à elles-mê­mes, entreraient spontané­ment en conflit l’une avec l’autre.»


Et c’est tout aussi justement qu’il fait, à la suite de Péguy, de la Fraternité «le terme cen­tral de la devise de la Répu­blique», car la Ré­publi­que ne confond pas li­berté et libéra­lisme, elle ne confond pas égalité et égalita­risme. L’excessive li­berté du li­béralisme li­bertaire conduit à nier l’idée même de nation, car le ca­pita­lisme financier n’a pas de patrie.


Etre gaulliste aujourd’hui a donc un sens. Ce n’est ni une attitude passéiste, ni la nostal­gie d’un monde révolu, ni un com­porte­ment dé­suet qui fe­rait sou­rire : c’est au contraire le si­gne d’un enga­ge­ment d’une ex­trême mo­der­nité, dès l’instant que ce qui est en jeu, c’est l’avenir de la na­tion dans le contexte d’une coopération européenne, mon­diale, car, dé­sormais, la réflexion ne s’arrête pas à l’Europe. La concurrence est mon­diale, la guerre éco­nomi­que est une ré­a­lité. Mais cette guerre ne peut pas se dé­rouler sans règles, car, depuis la chute de Berlin, c’est la planète entière qui vit selon les règles de l’économie de mar­ché, les der­niers pays commu­nistes et les pays pauvres cons­tituant un for­mi­dable réservoir de mains-d’œuvre à très bas prix, facile­ment exploita­bles hors de tout re­père éthique.


*(Maurice Barrès a certes in­fluencé la pensée du gé­néral de Gaulle. Lorsqu’il se définit, Barrès parle de «l’alliance de l’intelligence la plus haute à l’émotivité la plus in­tense». Les deux premières phrases des Mé­moires de guerre reprennent cette idée.)


Oui, le gaullisme est toujours présent dans la société française même s’il a été oublié par certains. 


Oui, les gaullistes sont présents partout dans la société, le nier c’est être inculte.


L’esprit et les valeurs gaullistes ne peuvent pas être tués. La croix de Lorraine sera toujours le symbole du gaullisme et le signe de ralliement des gaullistes.


La croix de Lorraine survivra même si certains tentent de la faire disparaître. La droite gaulliste sera toujours présente en France. Notre famille politique, regroupant la droite civique, gaulliste et patriote, est et sera toujours présente.


Montrez que vous vous battez pour des idées et des valeurs !