VIGILANCE & ACTION - N° 469 Juin-Juillet 2024
LES COMMUNICATIONS ÉCRITES DU M.I.L
«S’IL ARRIVE AU POUVOIR, LE PRINCIPAL DANGER POUR LE RN EST DE DEVENIR UNE NOUVELLE UMP»
Communication du MIL du 20 juin 2024
Grand Entretien d’Henri Guaino*, publié par Le Figaro du 19 juin 2024.
LE FIGARO : Depuis la dissolution surprise d’Emmanuel Macron, votre ancienne famille politique se déchire violemment sur la question des alliances avec le RN. Comment en est-elle arrivée là ?
Henri GUAINO : Au fil des ans, LR avait cessé d’être une famille politique pour n’être plus, dans une société en crise fracturée de toutes parts, qu’un parti tiraillé entre des tendances contraires. L’issue était inéluctable : un jour, les tensions seraient trop fortes et éclateraient au grand jour. Nous y voilà. Mais la disparition des familles politiques est un phénomène général. Toutes les grandes forces politiques, Renaissance, Rassemblement national, LFI, ne sont plus que des partis en forme d’entreprises unipersonnelles dont la logique d’action est devenue purement sociologique, avec une longueur d’avance pour le RN. Les vieux partis de gouvernement, LR et le PS, eux, n’ont plus, eux, de chefs, de Chirac, de Sarkozy, de Mitterrand, pour en maintenir, temporairement au moins, l’unité. Mais faute d’être de véritables familles politiques, les partis, aujourd’hui puissants, n’échapperont pas non plus à ce destin une fois que leurs leaders se seront retirés de la scène.
Est-ce la fin de LR ?
Soit ce qui reste de LR redevient gaulliste soit il disparaîtra totalement. C’est le sort d’un parti qui, ne s’identifiant plus à une famille de pensée n’a plus d’identité, et n’a pas de chef pour masquer ce manque. Ni pour les électeurs qui n’arrivent plus à trouver une réponse à la question «qui sont-ils ?», ni pour les élus et les militants qui n’arrivent plus à répondre à la question «qui sommes-nous ?». «La droite républicaine» tient plus du slogan qui cache mal un manque que de la définition d’une identité. Y a-t-il une droite non républicaine ? Et qu’est-ce que la droite ? Tout ce qui n’est pas la gauche ou le centre ? Mais Les Républicains sont issus de l’UMP, le grand parti de la droite et du centre. Et la droite, quelle droite ? L’orléaniste ou la réactionnaire, la libérale ou l’autoritaire ? Celle de l’argent ou celle de la tradition ? À quelle histoire, à quel héritage se rattache la «droite républicaine» ? Se définit-elle seulement comme un parti de gouvernement ? Par l’appartenance au «cercle de la raison» ? Mais tous les gouvernements depuis le tournant socialiste de la rigueur en 1983 ont revendiqué d’y appartenir.
Existe-t-il deux droites irréconciliables ?
Elles sont toutes difficilement conciliables sur le plan idéologique, quand elles ont encore une idéologie : depuis toujours, sur le fond, la droite libérale et orléaniste est inconciliable avec la droite de tradition, qui sont toutes les deux inconciliables avec la droite gaulliste ou bonapartiste qui, en réalité, n’est pas de droite. Et, dans l’état actuel de la société et du monde, les divergences autour de l’idée que l’on se fait de l’homme, de la société, de l’État, de la nation, de ce que doit être le rôle de la politique et de ce qu’elle peut, rendent les positions encore plus difficilement conciliables.
De plus en plus de gens mettent le nom de De Gaulle sur tout ce qui leur manque en ces temps troublés.
Et la droite RN serait-elle inconciliable avec toutes les autres droites ?
Madame Le Pen récuse cette qualification, et le noyau dur sociologique populaire de son socle électoral ne s’y reconnaît pas. Le RN a siphonné électoralement la base populaire du parti communiste et du RPR. Le principal danger pour lui n’est peut-être pas, comme le redoutent certains, dans un retour, à mes yeux improbable, aux sources idéologiques du Front national mais, à l’approche ou dans l’exercice du pouvoir, de devenir à son tour une sorte d’UMP nouvelle manière, après l’UMP façon Macron, qui finirait par se rallier, comme le parti socialiste à partir de 1983 et le RPR se muant en UMP, à la doctrine de la seule politique possible, se condamnant au même sort que ces derniers en perdant sa base populaire. Mais alors, où irait se réfugier la colère de cette dernière contre des politiques qui l’écrasent ?
De quand date finalement le déclin de votre famille politique : du débat sur le traité de Maastricht, de la création de l’UMP ?
Du moment où est devenue dominante l’influence de ceux qui trouvaient le gaullisme ringard et un parti de notables plus convenable et plus docile qu’un parti de masse avec une large base populaire. Le «oui» à Maastricht qui a fracturé le RPR fut leur première victoire. Avec la création de l’UMP, ils ont gagné la guerre interne contre les gaullistes et ont quasiment fait disparaître de la scène politique non seulement la famille de pensée gaulliste mais aussi les familles libérales, démocrate chrétienne et celle du Parti radical. L’ironie de l’histoire est que cette liquidation de la famille gaulliste a été opérée par des gens soi-disant très intelligents à l’orée d’une époque où au regard de l’état du monde le besoin d’une pensée gaulliste et d’une attitude gaullienne allaient se faire sentir avec de plus en plus d’insistance au point où, comme je l’ai écrit, de plus en plus de gens mettent le nom de De Gaulle sur tout ce qui leur manque en ces temps troublés. Plus une intuition, certes, que des leçons précises tirées d’une histoire que peu de Français connaissent dans ses détails, mais quand même…
La crise politique actuelle n’est-elle pas une conséquence lointaine de la ratification du traité de Lisbonne ?
La ratification du traité de Lisbonne a été vécue par beaucoup de Français comme un déni de démocratie, c’est un fait, bien qu’elle ait été annoncée par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle. Mais il faut en finir avec un double mensonge : le traité de Lisbonne n’est pas la constitution européenne qui serait revenue par la fenêtre après avoir été sortie par la porte et le rejet de la constitution européenne n’effaçait pas l’Acte Unique, ni le traité de Maastricht qui a été le vrai moment de bascule de la construction européenne. L’Europe de l’acte unique et de Maastricht a été le cheval de Troie de ce qu’il y a de plus délétère dans la mondialisation et le carcan qui a conduit toutes les politiques à se ressembler par-delà toutes les alternances démocratiques, carcan qui, s’il n’est pas assoupli, va nous conduire à la pire crise de la démocratie depuis les années trente. La constitution européenne, on va la voir revenir pour de vrai et en pire avec les réformes institutionnelles que préparent le Parlement européen et la Commission.
Au contraire du RPR, le RN cherche à se couper de sa matrice historique originelle : d’un côté le culte du père, de l’autre, le meurtre du père. Cela change beaucoup de choses.
Le Parti d’Éric Zemmour, Reconquête, a également implosé… Comment l’expliquez-vous ?
L’union de tout ce qui n’est pas la gauche ne peut se faire que par les électeurs autour du parti qui atteint une masse critique électorale suffisante pour apparaître à ces électeurs comme le vote utile contre ce dont ils ne veulent absolument pas. Reconquête, pour lequel, comme pour LR, la question sociale était un angle mort, reposait sur un socle sociologique et idéologique trop étroit pour atteindre cette taille critique, il a été vidé par le vote utile. Et, lorsqu’un parti s’affaiblit, sonne l’heure des trahisons.
Il y a des points communs entre le nouveau RN et le RPR : une forme de scepticisme à l’égard de l’Union européenne, une dimension sociale et populaire. En quoi le RN est-il si différent du RPR que vous avez connu ?
Il est certain que le RN occupe aujourd’hui une bonne partie de l’espace politique abandonné par l’UMP. Cela n’en fait pas pour autant un parti gaulliste. Il ne vous a pas échappé que la famille gaulliste, telle que je l’ai connue, était soudée autour d’une histoire commune incarnée par des hommes et des femmes qui avaient fait l’histoire, cette histoire qui allait du 18 juin jusqu’à la lutte contre les tueurs de l’OAS, de la France libre et des maquis de la Résistance à la reconstruction d’un État digne de ce nom, en passant par la Libération et le programme du Conseil national de la Résistance. Les gaullistes avaient fait la sécurité sociale, le plan, l’aménagement du territoire, la Ve République. Une histoire qui n’avait pas accouché d’un catéchisme mais dont chaque gaulliste tirait des leçons pour le présent. Et quand Malraux proclamait «nous ne sommes pas la droite parce que nous avons mis en œuvre le programme social le plus ambitieux depuis le Front populaire», quand Pasqua disait «si être pour l’autorité, c’est être de droite, je suis de droite, si être pour la justice sociale, c’est être de gauche, je suis de gauche», quand Chaban parlait de la «Nouvelle société», quand Séguin parlait de la République, cela entrait en résonance avec une histoire. Le RN, comme LFI, comme Renaissance n’est pas une famille politique profondément ancrée dans une histoire comme le fut le RPR avant qu’il ne soit détruit de l’intérieur, ou jadis le parti communiste ou la SFIO du temps de Léon Blum. Au contraire du RPR, le RN cherche à se couper de sa matrice historique originelle : d’un côté le culte du père, de l’autre, le meurtre du père. Cela change beaucoup de choses. Mais c’est à l’épreuve du pouvoir et non dans les discours de campagne et les programmes que nous verrons à quel point. Nous verrons bien.
La dissolution nous a empêchés d’analyser les résultats des Européennes. Que révèlent-ils ?
Que beaucoup de Français ont trouvé l’instrument de leur colère, que cette colère est profonde, que c’est la colère de ceux qu’une partie de la France d’en haut appelle avec une affreuse condescendance «les petits blancs» qui ne veulent plus être oubliés, méprisés, marginalisés économiquement, socialement, culturellement, qui en ont assez de souffrir, qui ne veulent plus être gouvernés comme ils l’ont été lors de la réforme des retraites. C’est une réplique politique en grand des gilets jaunes : on n’a jamais vu un scrutin où un parti à lui tout seul arrive en tête dans 93% des communes. Ce serait une folie de ne pas la prendre au sérieux. Ce n’est pas propre à la France cette révolte du «petit blanc» qui se sent mal et méprisé par ceux qui décident pour lui. Il y a quelques jours, le très sérieux The Economist s’alarmait qu’il soit occulté dans la campagne législative en cours au Royaume Uni. Et regardez les États-Unis.
Cette dissolution loin d’offrir une issue démocratique à la crise profonde que traverse notre société ouvre un peu plus en grand une porte sur la violence et le chaos que les institutions pourraient avoir bien du mal à maîtriser.
Depuis de long mois, vous mettez en garde contre la montée de la violence. Ce danger est-il plus que jamais présent ?
Encore une fois, toute société trop divisée finit toujours par essayer de se réunifier par la violence. La France ne se droitise pas, elle se radicalise et elle se polarise autour de deux blocs qui ont de plus en plus envie d’en découdre et pas seulement dans les urnes, avec un bloc central qui, au fur et à mesure qu’il s’affaiblit, joue de plus en plus en plus avec la politique du «diviser pour régner» qui est la pire de toutes. Dans les circonstances actuelles, la dissolution loin d’apaiser et de clarifier agit, on le voit, comme un accélérateur de la radicalisation de la société et de la montée vers la violence.
Que vous inspire l’alliance nouée par la gauche ? LFI souffle-t-elle sur les braises ?
Elle ne fait que refléter l’état de notre société rongée par les peurs, les frustrations et les colères où chacun fait de l’autre le bouc émissaire de son malheur, où l’adversaire devient l’ennemi. Elle montre que dans l’engrenage de la violence chacun finit toujours par faire ce qu’il avait toujours exclu de faire et finit toujours par contribuer au pire.
Dès lors, comment éviter la guerre civile ?
Cela dépendra, pour l’essentiel, de la capacité à assouplir le carcan juridique, économique, intellectuel qui amène tous les gouvernants, quelles que soient leurs promesses électorales et même leurs convictions, à faire tous à peu près la même politique, en tout cas, perçue comme telle, qui fait souffrir une partie croissante de la société qui n’en peut plus et qui finira par chercher la solution en dehors des urnes. Il nous faut cesser de croire que ce qui est arrivé aux générations d’avant ne peut plus nous arriver.
La fracture démocratique a été aggravée par l’alignement du centre-gauche et du centre-droit sur les politiques européennes. Faut-il voir l’arrivée probable du RN au pouvoir comme une soupape de décompression ?
Quel que soit le résultat de ces législatives, elles seront dans les circonstances actuelles, le climat de fièvre et quinze jours de campagne, un rendez-vous démocratique manqué comme le fut d’ailleurs celui de la présidentielle de 2022 dont nous payons toujours les conséquences. Dans ce climat, dans le contexte institutionnel, le RN est-il bien placé pour assouplir raisonnablement le carcan ? Le voudra-t-il ? Le pourra-t-il ? L’histoire le dira. Mais cette dissolution loin d’offrir une issue démocratique à la crise profonde que traverse notre société ouvre un peu plus en grand une porte sur la violence et le chaos que les institutions pourraient avoir bien du mal à maîtriser. J’espère que l’histoire me donnera tort.
*Henri Guaino est ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l’Élysée (2007-2012), ancien commissaire au plan (1995-1998), ancien chargé de mission auprès de Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale (1993), ancien conseiller auprès de Charles Pasqua (1994-1995), inspirateur de la campagne présidentielle de Jacques Chirac (1995) autour de la «fracture sociale». Dernier livre paru : «À la septième fois, les murailles tombèrent» (Éditions du Rocher, 2023).
ÊTRE GAULLISTE
Communication du MIL du 22 juin 2024
Pour nous, les gaullistes, il y a la France et les Français.
Quel est le paradoxe du gaullisme aujourd’hui ? Plus de Gaulle est loué, encensé, unanimement reconnu, même par ses adversaires d’hier - qui n’est pas gaulliste aujourd’hui ? - plus de Gaulle s’éloigne. Plus de Gaulle est mis en scène, plus il est oublié : devenu une icône vide, transformé en mythe, récupéré par une intelligentsia, de Gaulle est dépossédé de l’essentiel de sa pensée politique. Car le gaullisme ne se réduit pas à du pragmatisme.
Si le gaullisme n’a jamais été un dogmatisme doctrinaire, il se caractérise en réalité par une pensée politique forte, dont le point d’ancrage est ce double lien, d’abord entre la pensée et l’action, ensuite entre l’action et les circonstances : agir, en fonction des circonstances, dans le seul intérêt de la France et des Français, tel est le gaullisme.
Aujourd’hui encore, de Gaulle est mal lu, ou il n’est pas lu, car il en est de de Gaulle comme de Napoléon : la gloire du militaire fait oublier la fécondité du penseur, son extraordinaire lucidité et sa dimension visionnaire. Le rêve de puissance militaire flatte en effet plus aisément l’esprit des peuples. On se souvient des guerres, on oublie, après la signature de la paix, le temps de la reconstruction. Or, de Gaulle est tout aussi important, pour la France, au moment de la reconstruction, qu’au moment de «l’appel du 18 Juin». Dans les deux cas, ce qui prévaut, c’est une «certaine idée de la France».
UNE CERTAINE IDéE DE LA FRANCE
Cette phrase, qui ouvre les Mémoires de guerre du Général de Gaulle, est d’une importance capitale pour comprendre le rapport qui existe entre la France et le gaullisme : «Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire autant que la raison.» Ignorer cette phrase, c’est méconnaître, à la fois, la force et la logique de la pensée gaullienne, sa cohérence absolue.
De Gaulle n’a-t-il pas écrit : «Au fond des victoires d’Alexandre, on trouve toujours Aristote» ? La référence à Aristote n’est pas un hasard, le gaullisme se veut héritier d’une pensée fondée sur la raison qui naît avec Aristote. Il n’est pas question de réduire le gaullisme au principe maurrassien* de l’empirisme organisateur, encore moins d’accepter de l’inscrire dans ce que Bernard-Henri Lévy nomme «l’idéologie française» et qui ferait du gaullisme une sorte de régression nationale et conservatrice d’une essence douteuse, que seule l’entrée en résistance aurait permis de maquiller.
Il n’est pas de France sans ouverture sur le monde, comme le symbolise son extraordinaire façade maritime ; il n’est pas de France sans la prise en compte de ce monde global qui est le nôtre aujourd’hui. Il n’est pas de France sans l’Europe. D’ailleurs, de Gaulle était-il contre l’Europe ? Sûrement pas, même s’il se faisait une certaine idée de l’Europe, par sentiment et par raison, idée qui est celle des États-Nations. Ce que de Gaulle voulait, c’était l’indépendance de la France et non son isolement.
Il existe donc, pour nous, les gaullistes, d’abord la France et les Français, sans crispation ni nostalgie d’un monde passé, sans démagogie électoraliste. Il existe la France et les Français, l’une n’allant pas sans les autres, idée simple qu’il faut pourtant sans cesse rappeler et qui contredit les experts de la mondialisation heureuse, qui affirment que la France va bien mais que les Français ne le savent pas. Car les Français, nous disent ces mêmes experts, sont ignorants de la chose économique. Finalement, le libéralisme libertaire n’est rien d’autre qu’un stalinisme à l’envers, puisqu’il prône le sacrifice des générations actuelles pour assurer le bonheur des générations futures. Encore ce mythe destructeur de l’homme nouveau que tous les totalitarismes ont voulu faire naître : l’homme nouveau communiste, l’homme nouveau des nazis, l’homme nouveau de l’intégriste musulman.
Plus sournois, car paré des habits d’une modernité qui entretient la confusion entre liberté et libertarisme, voici que surgit, à l’aube du XXI° siècle, l’Homo economicus nouveau, libéré des contraintes géographiques, débarrassé de tout repère éthique, l’oeil fixé sur les cours de la Bourse, gérant sa fortune en direct sur Internet, trouvant son accomplissement dans la dissolution du lien social. Car il n’est plus question de cet effort national incarné pendant trente ans par le général de Gaulle, cet effort accompli par tous, chacun étant en droit d’attendre, en juste retour, le partage des fruits de la croissance, la République assurant, dans le même temps, le bon fonctionnement de l’ascenseur social. Or, avec cette dissolution du lien social, il est à craindre que l’idéologie du libéralisme libertaire ne soit la justification des totalitarismes de demain. Car ce qui reste, au-delà des idéologies du passé, c’est la question sociale.
LA QUESTION SOCIALE
Toujours la question sociale, diront certains. Mais pourquoi ne pas relire de Gaulle ?
Les textes clefs, les voici :
«La question sociale, toujours posée, jamais résolue, (...) est l’origine des grandes secousses que l’univers a subies (...). C’est la même question toujours posée, jamais résolue, qui, aujourd’hui, pousse le monde vers un drame nouveau. (...) Elle domine tout et (...) l’épée de Damoclès restera suspendue tant que, dans la société, chaque homme ne trouvera pas sa place, sa part et sa dignité.»
Ce premier texte, d’une actualité brûlante aujourd’hui encore, date pourtant du 1er mai 1950. Pour de Gaulle, la question sociale, «toujours posée, jamais résolue», entraîne l’affaiblissement des nations, il fallait donc agir.
On constate alors, dans ces textes, que de Gaulle associe toujours indépendance nationale, développement économique et transformation sociale. Cette idée apparaît dès 1940-1943, lors du séjour à Londres. Les discours et les messages de l’époque, construits sur le thème de la participation, en témoignent.
On relira avec profit la conclusion du fameux discours d’Oxford, qui date du 15 novembre 1941. De Gaulle, en pleine guerre, se projette déjà dans l’avenir : «Si complète que puisse être, un jour, la victoire (...) des nations démocratiques, (...) rien n’empêchera la menace de renaître plus redoutable que jamais, rien ne sauvera l’ordre du monde, si le parti de la libération, au milieu de l’évolution imposée aux sociétés par le progrès mécanique moderne, ne parvient à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité de chacun y soient exaltées et garanties... On ne voit pas d’autre moyen d’assurer en définitive le triomphe de l’esprit sur la matière.»
Assurer le triomphe de l’esprit sur la matière, tel est l’enjeu que de Gaulle assigne à la politique. Ce message est celui d’Aristote, il est celui du Siècle des Lumières, il est celui de Tocqueville, il est aussi celui du gaullisme. Rien ne change : le combat pour les idées de progrès, de justice sociale et de démocratie se poursuit éternellement : l’histoire n’a pas de fin, seules les circonstances changent. Avec de Gaulle, nous avons appris que l’action politique n’est pas vaine. Elle est même devenue encore plus essentielle, car, avec l’effondrement des grandes idéologies et la disparition de l’ancienne vision manichéenne du monde, le réel apparaît dans toute sa complexité. En même temps, les logiques de développement de l’après-guerre, à l’abri des frontières protectrices et de l’étendue des grands empires, ont atteint, depuis longtemps, leurs limites. De Gaulle le savait, lui qui voyait la France et le monde avec trente ans d’avance. Car le gaullisme est le contraire du pilotage à vue ou du pragmatisme lié à une forme de renoncement devant la complexité du réel. La volonté doit-elle disparaître ? Bien-sûr que non. Pour comprendre cela, il nous faut revisiter les idées fondamentales du gaullisme.
LES IDéES FONDAMENTALES DU GAULLISME
Première idée : l’action politique n’est pas vaine.
Deuxième idée : la politique doit conduire l’économie et non pas l’inverse.
Troisième idée : l’action politique ne doit poursuivre qu’un but, consolider la communauté nationale.
Quatrième idée : consolider la communauté nationale, c’est développer la société participative dans tous les domaines.
Cinquième idée : l’indépendance ne signifie pas l’isolement.
Soyons clairs là encore : la pensée du gaullisme ne commence ni ne s’arrête à «l’appel du 18 Juin», même si cet appel, contre l’infâme renoncement pétainiste, symbolise l’essence même de cette pensée. Si l’histoire a fait de l’appel du 18 Juin le point d’ancrage du gaullisme, de Gaulle a constamment dépassé la problématique militaire. La guerre est certes ce qui permet de faire naître, immédiatement, le sentiment national et l’idée de défense de la patrie. En temps de paix, sentiment national et patrie s’estompent au point de devenir désuets pour certains. Aujourd’hui, la polémique sur les coûts de l’État-Nation, la décentralisation, l’ouverture physique et virtuelle des frontières, l’internationalisation du capital conduisent certains à nier l’idée même de Nation. Le monde est notre village, nous sommes devenus citoyens du monde. La vente sur Internet tient lieu de projet social planétaire. Belle utopie qui masque la réalité.
L’IDéE DE NATION
L’idée de nation reste d’une évidente actualité pour les gaullistes ; elle n’est pas le refuge des nostalgiques de la militarisation ou des va-t-en guerre. En y regardant de près, on s’aperçoit que les convictions nationales recouvrent l’idée même de la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.
Jean-Louis Debré écrit, fort justement (Jean-Louis Debré, Le Gaullisme n’est pas une nostalgie, Robert Laffont, 1999.) : «La nation seule permet à la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité, d’être cohérente. La Liberté seule détruirait l’Égalité et ferait des maîtres et des esclaves de ceux qui ont de la chance et de ceux qui n’en ont pas. Mais s’il n’y avait que l’Égalité, elle dégénérerait en égalitarisme, étoufferait la Liberté, la créativité, et appauvrirait chacun. Seule la Fraternité impose la réunion de ces deux valeurs qui, livrées à elles-mêmes, entreraient spontanément en conflit l’une avec l’autre.»
Et c’est tout aussi justement qu’il fait, à la suite de Péguy, de la Fraternité «le terme central de la devise de la République», car la République ne confond pas liberté et libéralisme, elle ne confond pas égalité et égalitarisme. L’excessive liberté du libéralisme libertaire conduit à nier l’idée même de nation, car le capitalisme financier n’a pas de patrie.
Etre gaulliste aujourd’hui a donc un sens. Ce n’est ni une attitude passéiste, ni la nostalgie d’un monde révolu, ni un comportement désuet qui ferait sourire : c’est au contraire le signe d’un engagement d’une extrême modernité, dès l’instant que ce qui est en jeu, c’est l’avenir de la nation dans le contexte d’une coopération européenne, mondiale, car, désormais, la réflexion ne s’arrête pas à l’Europe. La concurrence est mondiale, la guerre économique est une réalité. Mais cette guerre ne peut pas se dérouler sans règles, car, depuis la chute de Berlin, c’est la planète entière qui vit selon les règles de l’économie de marché, les derniers pays communistes et les pays pauvres constituant un formidable réservoir de mains-d’œuvre à très bas prix, facilement exploitables hors de tout repère éthique.
*(Maurice Barrès a certes influencé la pensée du général de Gaulle. Lorsqu’il se définit, Barrès parle de «l’alliance de l’intelligence la plus haute à l’émotivité la plus intense». Les deux premières phrases des Mémoires de guerre reprennent cette idée.)
Oui, le gaullisme est toujours présent dans la société française même s’il a été oublié par certains.
Oui, les gaullistes sont présents partout dans la société, le nier c’est être inculte.
L’esprit et les valeurs gaullistes ne peuvent pas être tués. La croix de Lorraine sera toujours le symbole du gaullisme et le signe de ralliement des gaullistes.
La croix de Lorraine survivra même si certains tentent de la faire disparaître. La droite gaulliste sera toujours présente en France. Notre famille politique, regroupant la droite civique, gaulliste et patriote, est et sera toujours présente.
Montrez que vous vous battez pour des idées et des valeurs !